Le Chili a inauguré lundi (11/01/2010) un « Musée de la Mémoire » qui a pour vocation de rendre hommage de façon permanente aux victimes, disparus et opprimés de la dictature militaire survenue entre 1973 et 1990. Il s’agit de l’un des projets phares de la présidente socialiste Michelle Bachelet qui doit quitter prochainement le pouvoir.
Le musée, qui couvre une superficie de 5.600 m2, réunit des objets personnels, officiels, documents audio et vidéo d’époque, remémorant les violations des droits de l’Homme sous le régime d’Augusto Pinochet, qui causa près de 3.200 morts ou disparus. Environ 28.000 cas de torture ont aussi été répertoriés.
De nombreuses pièces ont été offertes par des particuliers, y compris par la présidente de 58 ans, qui fut emprisonnée avec sa mère et torturée en 1975 avant de s’éxiler. Son père, un général proche du président socialiste Salvador Allende renversé en 1973 par le général Augusto Pinochet, est décédé en prison.
Le musée est un projet qui tenait particulièrement à coeur à Mme Bachelet, d’autant qu’elle devra quitter le pouvoir en mars pour laisser sa place probablement à un président de droite, pour la première fois depuis le retour de la démocratie en 1990.
Sebastian Pinera, candidat de la droite modérée, est favori depuis plusieurs mois dans les sondages: les dernières estimations lui donnent l’avantage au 2e tour, dimanche, avec 5 points d’avance sur Eduardo Frei, candidat de la coalition de centre-gauche.
A droite, certains ont fait mention d’ une « mémoire sélective », puisque le musée n’aborde que la période débutant le 11 septembre 1973, lors du putsch de Pinochet, jusqu’ à son départ au pouvoir le 11 mars 1990, sans évoquer le contexte amenant le coup d’Etat.
La presse suppose que la droite serait tentée d’élargir la période couverte par le musée si elle recouvre la présidence.
« Tout musée peut être modifié, développé avec des éléments qui l’améliorent, mais pas dans son essence, dans son objectif », a précisé la présidente de la Commission présidentielle des droits de l’Homme Maria Luisa Sepulveda.
Le discours tenu par la présidente Bachelet durant l’inauguration a été interrompu par deux manifestantes indigènes d’origine mapuche, la minorité indienne du Chili. Elles se sont hissées sur un projecteur et ont crié des slogans, réclamant la liberté pour des « détenus politiques » mapuches, emprisonnés depuis 3 ans à la suite de violences.
La présidente a assuré qu’elle compatissait devant la douleur des manifestantes, mais elle les a invitées malgré tout à la laisser conclure son discours. Les deux femmes ont par la suite été délogées.
Peu de temps avant , un autre incident avait déjà terni la cérémonie : l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, chargé d’établir un musée sur le même modèle dans son pays, avait été conspué par la foule. Les mécontents le critiquant pour le soutien qu’il accorde à la candidature de Sebastian Pinera : « Qu’il s’en aille ! Un type qui soutient Pinera n’a rien à faire ici ! », avaient crié plusieurs membres de l’assistance.