Le coup d’envoi des festivités religieuses consacrées au Seigneur de Qoyllur Riti a lieu chaque année dans les Andes 58 jours après la célébration de Pâques.
Cette fête traditionnelle compte sur la présence de milliers de pèlerins, parmi lesquels des fidèles en grande majorité indigènes (quechua et aymara), mais aussi des nombreux touristes. En fait, des visiteurs du monde entier sont attirés par la beauté de la procession. Les participants empruntent les chemins sinueux des montagnes andines jusqu’à une altitude de 5 000 mètres afin de rejoindre le sanctuaire situé à Shinakara, dans le district de Ocongate (dans la province cusqueña de Quispicanchi).
Qoyllur Riti : une nature majestueuse au service de la foi
Cette année, ce ne sont pas moins de 400 figurants masqués et déguisés qui débuteront le pèlerinage ce 16 juin, une célébration qui atteindra son apogée le 21 juin (jour de la procession Yanacancha-Tayancani-Ocongate), et qui s’achèvera le 23 juin (jour du Corpus Christi dit aussi « Fête-Dieu » pour cette année 2011).
Pour cette cérémonie de lancement, qui s’est tenue au musée de Cuzco, ont assisté le président de la confrérie du Señor de Qoyllur Riti, Villafuerte Aybar, le directeur régional de la Culture de Cuzco, Juan Julio García Rivas, et le maire de Ocongate, Armando Quispe. A cette occasion, l’on pouvait, d’ores et déjà, entendre les voix mélancoliques des qapac qollas (danseurs revêtant le costume traditionnel).
Villafuerte a souligné que cette cérémonie religieuse est considérée comme l’une des plus importantes au monde. En effet, elle constitue un témoignage de foi, de dévotion, et de respect marqué par le syncrétisme dans ce pays qui a connu le joug de la chrétienté espagnole depuis la Conquête (chute de l’Empire Inca en 1532). Durant cette célébration religieuse, qui remonte à l’époque inca où l’on rendait hommage à l’esprit de la montagne Ausangate (religion animiste), les fidèles d’aujourd’hui se souviennent aussi que, le 12 juin 1783, des paysans andins auraient été témoins de l’apparition de l’Enfant Jésus dans ces sommets enneigés.
Le maire de Ocongate a souligné que toutes les mesures ont été prises afin de renforcer la sécurité et assurer la propreté des lieux, des cylindres visant à recevoir les déchets ont été installés en 30 points sur le trajet qui relie Mahuayani à la chapelle, 40 membres de la sécurité civile de Ocongate, ont été déployés, 100 effectifs policiers ont été appelés en renfort ainsi que la mise en place de 20 patrouilles encadrées par des paysans locaux.
Apu Qoyllur Riti est un rite ancestral qui se trouve associé à la fertilité de la terre (la Terre-Mère qui nourrit les hommes) et qui rend hommage aux apus (les divinités sous la forme « d’éléments naturels » que les communautés indigènes vénèrent) chaque année, l’une des fêtes les plus importantes des peuples indigènes d’Amérique.
Un rassemblement religieux de grande envergure témoignant du syncrétisme religieux
Il s’agit du plus grand et emblématique pèlerinage indigène d’Amérique latine.
Plus de 10 000 pèlerins – paysans, commerçants et curieux (parmi lesquels de nombreux touristes nationaux et internationaux) – grimpent jusqu’à la limite des neiges éternelles. Un groupe de valeureux indigènes de la communauté Quero’s, représentants de ce qui pourrait être la communauté quechua la plus « préservée » du Pérou – part même en direction du sommet du mont Ausangate (6 362 m), à la recherche de « l’Étoile des Neiges » qui est enfermée dans ses entrailles.
Au retour, ils chargent sur leurs épaules de grands blocs de glace pour arroser symboliquement leurs terres avec l’eau sacrée de la montagne qui apportera des récoltes abondantes.
Savant mélange syncrétique de culture précolombienne et de catholicisme, ce pèlerinage époustouflant d’une dizaine de jours est une succession incessante de rituels, de danses traditionnelles, de fanfares, de prières et de jeux de rôle. Cette fête, hors du temps, parvient à regrouper tous les groupes et toutes les cultures de l’histoire des Andes.
Les pèlerins viennent de tout le pays et même de Bolivie et d’Argentine pour se recueillir devant la pierre où apparaît l’image divine du Seigneur du Qoyllur Riti.
Ausangate, le colosse qui se mérite…
La cérémonie principale se déroule aux pieds du mont Ausangate, à 4 700 mètres d’altitude et, à une température en dessous de 0° à cette époque de l’année. Des milliers de pèlerins grimpent jusqu’à la limite des neiges éternelles, accompagnés de danseurs (chauchas, qollas, pabluchas ou ukukus) qui symbolisent les divers personnages mythiques. Les ukukus (ours) sont les gardiens du Seigneur et veillent aussi sur les apus et les apachetas (monticules de pierres déposées par les pèlerins en guise de péchés expiés) et se chargent de maintenir la discipline pendant les actes liturgiques.
Tous se prosternent devant les croix qui ponctuent la montée jusqu’à l’église en suivant des bannières aux emblèmes religieux. Tous vénèrent l’image du Christ en croix. Et pourtant, par leurs costumes traditionnels, par leurs danses rituelles et par les cultes perpétuant des croyances pré-hispaniques (l’hommage rendu aux « huacas »), ils font de cette fête un mélange riche et détonnant.
Des croyances précolombiennes qui se mêlent à la foi chrétienne
Tandis que des milliers de cierges brûlent à l’intérieur de l’église, les pénitents prient à l’extérieur, face aux montagnes, en se prosternant devant certaines pierres sacrées pour eux. Les diverses communautés sont représentées par des danseurs qui arborent leurs plus beaux costumes ; les groupes se distinguent les uns des autres par les habits, les manteaux et les musiques.
Durant la fête, on porte également des masques propres représentant des bêtes féroces et des guerriers incas ou certains ridiculisant les « conquistadors » ; les Ukukus, qui combattent les esprits du mal en donnant vie à de complexes figures symboliques, se détachent nettement des autres. Traditionnellement considérés comme étant mi-femme mi-ours, ils en possèdent la ruse et la force physique et tiennent éloignées à coups de fouet les âmes damnées.
La fête s’achève dans la nuit sur le glacier de Colquepunku, à plus de 5000 m d’altitude. Une procession part du sanctuaire à trois heures du matin et porte la croix de Quoyllur -Rit’i sur le lieu sacré, à la lueur des bougies. On célèbre une messe solennelle avec chants et prières. A la fin, danses et jeux éclatent ainsi qu’une immense ronde, symbole de la fraternité universelle.
Pour obtenir les faveurs des Apus, il faut obéir à des règles précises, être disposé à faire acte de pénitence, à faire des sacrifices, à distribuer des offrandes et à célébrer les rites propitiatoires immuables depuis des siècles… Une tradition culturelle et religieuse qui mérite qu’on s’y attarde !
Pas terrible le loukoum qui accompagne cette magnifique vidéo; alors que les chants et les folklores sont uniques
par leurs sincérités et les musiques si belles et émouvantes.
Jacques.
Le « joug de la chrétienté espagnole » a interdit les sacrifices humains… en effet, les sommets des Andes sont truffés de cadavres d’enfants sacrifiés, enterrés vivants pour la plupart, les archéologues en découvrent au sommet de chaque montagne… des milliers de petites « Étoiles des Neiges »… et on en trouve encore la trace dans les rituels de Qoyllur Riti dans la figure des « Pablitos » imitant la voix d’un garçon prépubère. Mais c’est vrai que rappeler ces choses (« cachées depuis la fondation du monde » comme dirait un célèbre anthropologue) n’est pas forcément très vendeur pour le tourisme…