Le Willka Kuti ou Nouvel An andin et amazonien, se tiendra le 21 juin sur 80 sites cérémoniels ancestraux dont jouit la Bolivie. A chaque endroit désigné, un membre du gouvernement de l’État Plurinational de Bolivie, un ministre ou un vice-ministre, assistera à l’évènement religieux et culturel.
C’est ce qu’a annoncé le vice-ministre de la Décolonisation rattaché au Ministère des Cultures, Félix Cárdenas, instance chargée de cette politique de revalorisation et de préservation culturelle sur le territoire national mais aussi à l’étranger. Les activités liées au Willka Kuti (renaissance ou retour du soleil) auront également des répercussions au niveau international. Cárdenas a informé que toutes les représentations diplomatiques (ambassades…) réaliseraient des activités telles que des ferias, des conférences, des akullicos (mastication traditionnelle des feuilles de coca) ainsi que tout autre acte de promotion culturelle à l’extérieur du pays. En Bolivie, le ministre des Cultures a choisi 80 lieux sur tout le territoire national (parmi lesquels Samaipata, Tiwanaku, Kuruyuki, Illampu, Cobija, Isla Incahuasi, Roca Sagrada de los Chimanes, Tarabuco, Konko Wankani, Sabaya Illimani (Ánimas), Qaqaqi Huayna Potosí, Inkallajta, Sajama, Ch’alla Pampa ou encore Isla del Sol), endroits où se tiendront les différentes cérémonies et activités culturelles auxquelles assisteront les représentants de l’État.
Hommage au Dieu Soleil, Inti, en ce jour du solstice d’hiver
Pour sa part, le président, Evo Morales, se rendra sur trois sites importants à savoir Tiwanacu, Samaipata au Santa Cruz, et Incaracai à Cochabamba. Cárdenas a affirmé que Tiwanacu « est le centre d’où irradie toute notre culture, à ce titre il est le lieu le plus important ». Pour le vice-ministre de la Décolonisation, le 21 juin est un jour très important pour les peuples indigènes car le soleil s’éloigne de la terre « c’est un jour durant lequel on fait la fête avec le Intiwatana, ce qui signifie accrocher le soleil pour qu’il ne s’éloigne pas de trop ». Selon la cosmovision andino-amazonienne, le 21 juin ne marque pas seulement le nouvel an aymara mais aussi le début d’une année nouvelle.
« C’est pourquoi les mineurs de San Juan jettent de l’étain pour lire leur avenir, dans le subconscient des travailleurs miniers ce jour marque une année nouvelle et c’est aussi le cas pour les travailleurs agricoles (un nouveau cycle de récoltes) » a-t-il indiqué. Ce jour était capital chez les Incas, lorsque Huáscar et Atahuallpa sont nés ce jour, de mères différentes et en des années différentes, ils méritaient de fait de devenir l’Etre Suprême, l’Inca. C’est une date-clé pour les autorités boliviennes afin de s’éloigner de la politique colonialiste (menée par les Espagnols) qui s’est affairé à combattre les croyances et les cultes indigènes, des traditions magico-religieuses qu’aujourd’hui le ministère des Cultures met en avant afin de sauvegarder l’identité bolivienne.
Le président Morales (premier président indigène depuis la fondation de la Bolivie en 1825), qui appartient à la communauté indigène aymara, se rendra donc au Fort de Samaipata, dans le département de Santa Cruz situe à l’est du pays, un complexe archéologique des indigènes guaraníes qui a été déclaré Patrimoine Culturel de l’Humanité en 1998 par l’Unesco. Le ministre des affaires étrangères David Choquehuanca, lui aussi d’origine aymara, assistera à la cérémonie de Tiwanaku, un site situé à environ 60 km à l’est de la capitale, La Paz.
En Bolivie, il n’existe pas moins de 36 peuples indigènes qui représentent près de 50 % des 10 millions d’habitants, selon des chiffres officiels. Les aymaras célèbrent ce 21 juin l’année 5519 (selon leurs calculs, cinq siècles de 1000 ans d’existence du Tiwanaku ajoutés aux 519 ans qui marque la début de l’invasion espagnole en 1492).
Ce sont des milliers de personnes, parmi lesquels de nombreux touristes séduits par la beauté de cette croyance, qui vont attendre les premiers rayons du soleil (pour se régénérer avec ses rayons sources d’énergie) en des lieux chargés d’Histoire, ce 21 juin, afin de demander en prière la bienfaisance des dieux, tout d’abord le Soleil (Inti) et de la Terre-Mère (Pachamama), le tout s’accompagne d’offrandes, de bénédictions, de recueillement, et d’étreintes afin de souhaiter à ceux qui comptent une année prospère à l’instar du nouvel an occidental. En effet, la cérémonie débute traditionnellement dès l’aube sur fond de musique autochtone et de rites célébrés par un prêtre d’origine aymara qui brûle des offrandes (sucreries, alcool, feuilles de coca) dans un foyer en hommage à la Pachamama et en attente du Tata Inti (le père soleil).
21 juin décrété jour férié par le président Morales soucieux de préserver l’identité indigène
Depuis l’année 2009 (Décret 173 du 17 de juin 2009), le président a d’ailleurs déclaré le 21 juin comme étant un jour férié afin de célébrer le Willka Kuti comme il se doit à travers le pays. Le soleil comme élément essentiel à la vie (à la production et à la reproduction) est plus que jamais célébré durant le solstice d’hiver dans l’hémisphère sud, il s’agit d’un témoignage de la parfaite harmonie et de profond respect qui unit l’homme andin à son environnement naturel, un témoignage de reconnaissance pour des communautés qui ne considèrent pas la Nature comme une source lucrative mais comme un être un part entière qu’il faut protéger pour espérer vivre en paix en son sein bienfaiteur et nourricier.
Ce ne sont pas moins de 500 000 personnes qui sont attendues le 21 juin sur le site archéologique de Tiwanaku, Cité du Soleil, lieu de célébration du dieu Créateur Kon Tici Viracocha qui comporte de nombreux édifices à vocation cérémonielle dont le principal est le temple de Kalasasaya, une vaste enceinte close. Cependant, une question se pose, comment protéger ce site archéologique d’un tel afflux de croyants et de badauds alors qu’il est déjà fortement endommagé ? Les autorités n’ont toujours pas apporté de réponses sur la mise en place d’une politique de préservation efficace…
(Nouvel An aymara célébré le 21 juin 2010 : source TeleSur)