Le président du Chili, Sebastián Piñera, a signé mardi neuf août un projet de loi qui précise les modalités de l’Accord de Vie en Couple (AVP ou Acuerdo de Vida en Pareja ) en reconnaissant comme légales et légitimes toutes les unions « de fait », y compris entre personnes du même sexe.
Cette initiative permettra au Chili d’atteindre « une société plus libre, pluraliste et démocratique » a affirmé le chef de l’État durant la cérémonie de signature du projet célébré au Palacio de La Moneda, siège du pouvoir exécutif.
« Apprendre à valoriser et à apprécier la diversité et la différence entre les membres de notre société. Et surtout, faire tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’il n’y existe aucune discrimination odieuse ou arbitraire dans notre pays » a déclaré le président de la république pour défendre son projet de loi.
L’approbation de ce texte controversé était l’un des grands projets de campagne électorale du candidat de droite durant l’année 2009, comme l’a rappelé Sebastián Piñera en personne pendant l’acte de signature devant plusieurs de ses ministres. Le AVP est un contrat civil auquel peuvent prétendre des couples homosexuels, lesbiens et hétérosexuels dont le but de réguler leur situation juridique liée à leur vie amoureuse. Pour y prétendre, les principaux intéressés doivent être célibataires, et ne présenter aucun lien de parenté. Le document pourra être obtenu devant un notaire ou en se présentant à l’État civil. « Ce projet de loi traite avec égalité et sans discrimination des couples de sexe distinct ou du même sexe, car dans les deux cas l’important est l’épanouissement de l’amour, de l’affectif, du respect, et de la solidarité qu’inspire par nature un projet de vie commune qui veut s’inscrire dans la durée » a assuré le chef de l’État.
Selon Piñera, au Chili « il n’existe pas un seul modèle familial, mais plusieurs formes ou expressions de ce concept », par conséquent « en plus de la ‘famille traditionnelle’, il existe de nombreuses autres formes de familles comme celles qui unissent des personnes du même sexe ». Face à la polémique créée par cette décision, le mandataire a a précisé que le nouvel AVP « permettait de créer une configuration légale à une union mais qu’il ne modifiait en rien le concept de mariage » établi dans les textes de loi.
« En procédant ainsi, je n’honore pas seulement une promesse de campagne électorale mais surtout une profonde conviction qui me fait dire qu’un mariage est par nature l’union d’un homme et d’une femme » a souligné le président en place. Il a également ajouté « mes convictions ne m’empêchent pas d’admettre qu’il existe d’autres formes de relations affectives, y compris celles qui unissent les personnes du même sexe, et qui s’inscrivent dans une relation respectueuse et courageuse, à ce titre l’État a l’obligation, selon moi, de rechercher le bien commun, de le reconnaître, le protéger et le respecter. »
Les dirigeants du Mouvement d’intégration et de libération ont déclaré « c’est le premier chef de l’État qui a donné deux signaux inédits et historiques qui méritent toute notre reconnaissance » avant d’ajouter « pendant 20 ans nous avons lutté pour une législation qui confère une stabilité sociale et juridique à tous les couples, sans aucune discrimination, mais aujourd’hui nous sommes plus proches que jamais de cette aspiration » a déclaré le président du MOVILH, Rolando Jiménez. Comme il l’a souligné ce projet est un premier pas pour en finir avec l’idée que le mariage est l’unique façon de rendre officielle une union, avec ce pacte civil, les couples, sans distinction aucune, pourront donner un cadre légal à leur union sans perdre leur statut de célibataire.
Le président conservateur a proposé son projet de loi au Congrès, si celui-ci est définitivement entériné, les couples homosexuels et lesbiens pourront bénéficier des mêmes droits sociaux ou encore de succesion qu’un couple marié. L’initiative a suscité une forte polémique dans le pays et des membres de la coalition de centre-droit de Piñera se sont opposés à ce projet et ont refusé d’assister à l’acte de signature. L’Eglise catholique a également manifesté son opposition, dans ce pays catholique à 80 %, à titre d’exemple le divorce a été légalisé qu’en 2004. Si la loi est approuvée (très proche du modèle français « Pacs »), le Chili rejoindrait le Brésil, l’Argentine, le Mexique, et l’Uruguay où il existe des unions civiles et y compris des mariages entre personnes du même sexe.
Les débats à venir risquent d’être animés puisque le projet de loi n’a nullement convaincu les deux chefs de file des deux partis de la majorité, Juan Antonio Colona, de la très conservatrice UDI, Carlos Larrain, de Rénovation Nationale (droite). Le président Piñera, qui connaît une chute vertigineuse de sa cote de popularité, affronte déjà la rogne des étudiants, qui manifestent avec véhémence depuis trois mois réclamant davantage d’équité dans l’accès à l’éducation.
(Article rédigé par Aline Timbert)