Le Congrès américain a finalement mis fin à des années d’incertitude, mercredi 12 octobre, en adoptant de façon définitive le traité de libre commerce avec la Colombie (mais aussi les accords de libre-échange avec le Panama et la Corée du Sud) qui avait été signé par les chefs de l’État américain et colombien en 2006.
La Chambre des représentants et le Sénat ont, en effet, ratifié les trois accords de libre-échange, qui, selon le gouvernement, pourrait augmenter les exportations nord-américaines pour une valeur de 13 millions de dollars et générer jusqu’à 250 000 emplois. Cet accord a été adopté malgré certains mouvements de contestation menés par les syndicats et autres organisations jugeant le TLC (Tratado de libre comercio) préjudiciable à l’économie américaine et contraire au respect des droits du travail, la Colombie apparaissant comme peu respectueuse des droits des salariés. Le président Barack Obama a qualifié cette adoption « de grande réussite » pour les travailleurs et entreprises de son pays. Le Sénat a ratifié l’accord avec 66 voix favorables contre 33 défavorables tandis que la Chambre des représentants a entériné l’accord économique avec 262 voix favorables (contre 167). La Colombie s’est elle aussi félicitée de l’adoption du traité de libre commerce, bloqué depuis 2006 par un Congrès nord-américain invoquant des manquements aux droits de l’homme dans le pays andin. Toutefois, il est aussi source d’inquiétude pour certains secteurs de la société essentiellement parmi les petits agriculteurs et éleveurs colombiens qui craignent la déferlante de produits nord-américains (voir article précédent).
« C’est un jour historique pour l’insertion de la Colombie dans le monde et c’est un jour historique pour les chefs d’entreprises et travailleurs colombiens », a déclaré le président de la République Juan Manuel Santos aussitôt l’annonce de l’approbation rendue publique. L’Association nationale des industriels, qui réunit l’ensemble des corporations économiques de Colombie, a déclaré dans un communiqué qu’il s’agissait « d’un instrument merveilleux pour le développement économique, social et institutionnel ». Le début des négociations pour l’accord de libre-échange avait débuté en 2004 et il avait été signé dès 2006 par les présidents George W. Bush et Alvaro Uribe, cependant le camp démocrate du Congrès des États-Unis s’était toujours opposé à sa ratification invoquant la violation des droits des syndiqués colombiens, où selon, la ONG Human Rights Watch (HRW), 51 syndicalistes avaient trouvé la mort en 2010 tandis que 397 autres subissaient de fortes pressions.
Le chef de l’État colombien a tenu à préciser que le traité permettrait une croissance additionnelle annuelle de 1 % sur le Produit Intérieur Brut et qu’il créerait plusieurs milliers de nouveaux emplois (350 000 emplois pourraient être créés d’ici cinq ans), le temps que les exportations colombiennes vers les États-Unis, principal partenaire économique de la Colombie, augmentent au minimum de 6 %, a-t-il affirmé. Certains experts économiques pensent que le traité contribuera jusqu’à 4,2% à la croissance économique de la Colombie.
« C‘est une très bonne nouvelle, le TLC est fondamental pour augmenter le nombre d’acheteurs que possède la Colombie, mais aussi pour développer l’emploi dans le pays, étant donné qu’il est important d’avoir une demande interne importante et qu’il est aussi essentiel de renforcer l’emploi par des ventes extérieures », a affirmé la Confédération des Chambres de commerce.
Carlos Botero, président de l’Institut pour l’exportation et la mode (Inexmoda), a assuré que le secteur textile « serait l’un des grands gagnants de cet accord« en ajoutant « nous allons accéder à un marché de 300 millions de consommateurs potentiels ce qui va élargir notre éventail de possibilités ». Cependant, les syndicats comme la Centrale unitaire de travailleurs (Central Unitaria de Trabajadores ou CUT), regrettent l’adoption du traité de libre commerce, son président Tarcisio Mora s’est dit pessimiste quant aux résultats et a assuré que les chiffres ont été volontairement « gonflés » afin que la population ne pense pas « que les rivières de lait et de miel promises par le gouvernement » commencent déjà à tarir.
Des secteurs comme l’aviculture, la production laitière ou encore la culture du riz, se montrent inquiets des répercussions que pourrait avoir l’accord de libre-échange dans les prochaines années. Le président de la Fédération des cultivateurs de riz (Fedearroz), Rafael Hernández a alerté sur le fait que 500 000 familles réparties dans 215 municipalités du pays, vivant de la culture du riz, pourraient être directement menacées par la concurrence avec les États-Unis. De la même façon, le responsable de l’association colombienne des producteurs de lait (Asoleche), Jorge Martínez, a assuré que le secteur n’était pas préparé à affronter l’accord commercial avec les États-Unis.
Martínez a fait mention des crédits accordés par le gouvernement nord-américain aux agriculteurs qui, selon lui, ne leur permettront pas d’être compétitifs avec le marché nord-américain. Le ministre colombien de l’Agriculture en personne, Juan Camilo Restrepo, a déclaré que le pays n’était pas totalement aguerri pour affronter les effets de cette ratification, ce dans plusieurs secteurs de l’économie.
« Nous ne sommes pas prêts, il reste encore beaucoup à faire », a-t-il déclaré lors d’une interview accordée à la radio privée de Bogotá, radio Caracol. La signature de ce traité entre la Colombie et les États-Unis en 2006, ainsi que celui unissant le Pérou et le pays de l’Oncle Sam (2006) avait poussé le dirigeant vénézuélien, Hugo Chávez, a annoncé son retrait de la Communauté des nations andines (CAN), jusqu’alors principal organisme d’intégration de ladite région.
Selon le ministre du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme colombien, Sergio Díaz-Granados cette approbation marque une vraie victoire pour l’économie du pays, il mentionne principalement les secteurs du tourisme et de la santé qui en toute logique devrait bénéficier du traité. D’autres secteurs comme le textile, les cultures maraîchères et sucrières, la culture caféière, la culture bananière, les bio-combustibles ou encore la floriculture devraient compter sur les effets bénéfiques de cette ratification tant attendue.
Une étude menée par la société de Consultation Araújo Ibarra a signalé que les secteurs les plus vulnérables seraient l’aviculture avec l’arrivée de 27 040 tonnes annuelles de cuisses de poulet en provenance des États-Unis, des exportations bien évidemment libres de taxes. Cependant, il convient de mentionner que les exportations américaines dans ce domaine seront très progressives et croissantes avec une augmentation annuelle de 4,5 %, de plus le secteur bénéficie d’un délai que certains qualifient « de grâce » de cinq ans.
Ce rapport mentionne également la culture du maïs qui devra faire concurrence au maïs américain à hauteur de 2 millions de tonnes annuelles de même que le riz blanc qui devrait pénétrer sur le territoire colombien à hauteur de 79 000 tonnes. D’autres secteurs se réjouissent au contraire, surtout ceux qui avaient perdu leurs avantages douaniers suite à la suspension de l’accord de Preferencias Arancelarias Andinas (ATPDEA), parmi eux le secteur textile et horticole qui avait perdu 54 % de leurs exportations vers le marché nord-américain suit au rétablissement des taxes.
Pour la Colombie le traité signifie un dégrèvement total et permanent de toutes ses exportations, et inclut également une extension, jusqu’en 2013, des préférences douanières andines qui savaient expiré le 12 février dernier (le Pérou,l’ Équateur et la Colombie bénéficient des Preferencias Arancelarias Andinas pour leur engagement à lutter contre le trafic de drogue aux côtés des États-Unis).
Le président des États-Unis a assuré dans un communiqué divulgué par la Maison-Blanche que la ratification de cet accord contribuerait à doubler les exportations américaines et à maintenir la compétitivité du pays au XXIe siècle « le vote de cette nuit, avec le soutien des deux parties, va permettre de développer de façon significative nos exportations avec le label ‘Fait aux États-Unis’, de créer des emplois bien rémunérés, de protéger les droits du travail, ainsi que l’environnement et la propriété intellectuelle », a-t-il souligné. Au-delà de ces relations commerciales renforcées, la secrétaire d’État Hillary Clinton a souligné que ce traité permettrait de renforcer les liens d’amitié avec la Colombie, avec cette adoption les États-Unis témoignent de leur volonté de se rapprocher de l’Amérique Latine. La Maison-Blanche précise que 80 % des exportations américaines de biens industriels et de consommation bénéficieront de suppressions de droits de douane, à l’exception des produits pétroliers.
Le président de Colombie doit promulguer les trois accords de libre-échange dès vendredi 21 octobre, cela marquera l’ultime étape d’un long processus engagé depuis plusieurs années. La mise en place effective du TLC pourrait nécessiter entre six et dix-huit mois, aujourd’hui la Colombie est le troisième marché latino-américain le plus important pour les États-Unis « après le Brésil et le Mexique ».
(Article rédigé par Aline Timbert)