Le gouvernement équatorien a déclaré l’état d’urgence sanitaire dans une région reculée de l’Amazonie où treize indigènes sont morts depuis la mi-novembre après avoir été mordus par des chauves-souris vampires atteintes de la rage, selon un décret publié il y a une dizaine de jours.
La mesure restera en vigueur durant deux mois à Taisha, mais aussi dans d’autres villages à 20 km à la ronde de cette localité de la province de Morona Santiago (Capitale Macas) particulièrement affectée (à la frontière avec le Pérou) et isolée au sein de laquelle l’on ne peut se déplacer que par voie aérienne. Ledit décret stipule au ministère des Finances de mettre à disposition « des moyens suffisants » pour répondre à l’urgence sanitaire tout en soulignant que « ces décès avaient particulièrement choqué la communauté de Taisha ». Les fonds débloqués doivent permettre d’empêcher de nouvelles morsures, d’apporter des soins médicaux appropriés à la population en proposant une vaccination adaptée aux communautés en situation de risque, mais aussi au bétail, il s’agit également d’assurer le contrôle des chauves-souris incriminées comme porteuses du virus. Selon le rapport, plusieurs pays du bassin amazonien comme le Brésil, le Pérou, ou encore l’Équateur sont confrontés à une augmentation du nombre de décès liés aux conséquences du virus de la rage sylvestre transmise par ces mammifères hématophages (qui se nourrissent de sang). Concernant le cas équatorien, le maire de Taisha, Celestino Wisum, a souligné que 13 personnes avaient perdu la vie depuis le 17 novembre, parmi les victimes, sept enfants âgés entre huit et 11 ans.
Le décret précise que l’usage des terres forestières à des fins d’élevage entraînait la migration de petits mammifères qui constituent les principales sources d’alimentation des chauves-souris, et que cela avait une incidence directe sur la population. La rage est transmise à l’homme par ces chauves-souris qui s’alimentent de sang, ainsi ne trouvant pas assez de têtes de bétail à attaquer, elles peuvent mordre des êtres humains. Il existe seulement trois espèces de chauves-souris vampires : le vampire commun (Desmodus rotundus), le vampire à pattes velues (Diphylla ecaudata) et le vampire à ailes blanches (Diaemus youngi). Ces chauves-souris présentes en Amérique du Sud, se nourrissent de petits insectes comme les moustiques et peuvent dans certaines circonstances s’attaquer à l’homme.
La chauve-souris vampire représente un vecteur important de la rage qui, outre son danger pour l’homme, est responsable de la mort de plusieurs milliers d’animaux de ferme dans l’Amérique tropicale et subtropicale. La chauve-souris vampire a le pelage ras et brillant et brun foncé sur le dessus. Ses ailes sont noirâtres avec un dessous gris ou blanc et brun. Elle possède deux excroissances sur le museau et a des oreilles triangulaires. Elle n’a pas de queue. Elle est équipée de grandes incisives supérieures triangulaires très coupantes. Le vampire vit dans les forêts tropicales humides (là où il y a des élevages), les forêts-galeries, les prairies, les broussailles et les jardins.
Selon le ministre de la Santé, David Chiriboga, se sont près de 540 personnes qui évoluent dans les zones concernées par le phénomène. Chiriboga a souligné qu’il s’agissait d’une maladie « très grave », difficile à diagnostiquer et dont le seul traitement est la vaccination, car une fois que les premiers symptômes apparaissent, la maladie « devient mortelle « . Il a précisé que certains natifs étaient réfractaires à la vaccination pensant que l’épidémie a des origines surnaturelles et préférant ainsi s’en remettre aux chamans ou autres guérisseurs aussi appelés ‘uvishines’ en langue shuar. À ce titre le président de la République, Rafael Correa a incité les communautés indigènes « à ne pas craindre la médecine moderne » tout en précisant que de nombreuses personnes mordues par les chauves-souris appartenant à l’espèce Desmodus Rotundus s’en étaient remises d’abord aux chamans et qu’ils avaient ainsi péri sans avoir consulté de médecin.
L’état d’urgence sanitaire a été déclaré pour une durée de 60 jours à compter du 8 décembre, durant cette période un total de neuf ministères seront chargés d’appliquer de façon coordonnée un protocole sanitaire visant à éradiquer l’épidémie de rage. Les premiers cas sont apparus le 3 novembre et ont affecté les communautés autochtones de Wampuik, Tarimiat et Tsurik Nuevo de la province de Morona Santiago, dans le sud du pays à la frontière péruvienne. Le ministre de la Santé a informé que 95 % de la population des trois communautés avaient reçu les premières doses antirabiques sur un total de 10. La première victime fut une petite fille de cinq ans appartenant à la communauté Tsurik, le 8 novembre ce fut un petit garçon de neuf ans et une fillette de onze ans qui furent conduits à la clinique de Cuenca, dans la sierra andine, où ils sont finalement décédés quelques heures après leur hospitalisation. Le président a expliqué que cette espèce de chauves-souris disposait sur sa langue d’une substance narcotique qui empêchait les victimes de ressentir la morsure. Il a également déclaré qu’il s’agissait d’un problème très difficile à traiter d’autant plus que la maladie frappe des zones reculées de la forêt particulièrement difficiles d’accès au sein desquelles les natifs vivent de façon dispersée. Depuis le ministère s’est engagé à réaliser une campagne de vaccination massive dans les régions concernées en débloquant 5600 doses de vaccin antirabique.
Le Conseil de santé de l’union des nations sud-américaines (UNASUR) examinera au mois de janvier 2012 la situation sur la rage sylvestre provoquée par l’attaque de chauves-souris dans de nombreux pays abritant la forêt amazonienne (Équateur, Brésil, Venezuela, Colombie, Bolivie, Pérou ), une information donnée par le ministre de la Santé en Équateur. Pour le moment aucune date précise n’a été fixée ni même le lieu qui accueillera cette réunion.
« Nous allons tenir un conseil extraordinaire au mois de janvier pour analyser cette situation qui est la conséquence d’un déséquilibre écologique », a déclaré David Chiriboga durant une interview radio.
Le ministère des Affaires étrangères français a invité les voyageurs à la prudence en émettant le 9 décembre le communiqué suivant, il était toujours valide ce 17 décembre : « Rage
Suite au décès, en décembre 2011, de douze personnes victimes de morsures mortelles de chauves-souris atteintes de la rage, il convient d’éviter la province amazonienne de Morona Santiago située au sud-est de l’Equateur et en particulier le village de Taisha »
(Aline Timbert)