Gregorio Santos, le président de la région péruvienne de Cajamarca, qui s’oppose à la mise en place du projet minier Conga, a laissé clairement entendre, il y a quelques jours, qu’il ne pourrait pas garantir la sécurité des experts étrangers dépêchés par le gouvernement. Ces derniers doivent évaluer l’impact environnemental lié à l’exploitation du sous-sol dans cette zone andine.
Comme l’a souligné Gregorio Santos, fervent opposant à l’extraction d’or et de cuivre qui doit être menée par l’entreprise Yanacocha (les mines de Yanacocha sont contrôlées actuellement par la compagnie nord-américaine Newmont Mining Corporation et la Compañia Peruana Buenaventura), il n’a pas été consulté lors du choix des experts nommés par le gouvernement péruvien et, par conséquent, il ne souhaite pas les rencontrer lors de leur séjour et ne peut se porter garant de leur sécurité. Ce sont deux Espagnols, ingénieurs de profession, Luis López García et Rafael Fernández Rubio qui ont été engagés officiellement le 1er février par l’État péruvien pour analyser les conséquences écologiques de cette future exploitation, ainsi qu’un géologue portugais, José Martins Carvalho. Tous sont attendus sur place d’ici la fin du mois pour évaluer l’impact hydrique de la future exploitation.
« Je ne peux pas donner des garanties (sur leur sécurité), car cela dépendra des communautés », a déclaré laconiquement le président régional de Cajamarca à des médias locaux.
Le projet minier Conga fortement remis en question par les communautés rurales pour les supposés dommages environnementaux qu’il doit causer, en particulier sur les réserves d’eau de la région, a été approuvé en octobre 2010 après la validation de l’Étude sur l’impact environnemental. Cependant, les locaux émettent de gros doutes concernant la conformité de cette Étude (Estudio de impacto ambiental ou EIA) validée par le gouvernement du prédécesseur d’Ollanta Humala, à savoir le président Alan García. Selon eux, l’analyse ne s’est pas penchée sur les études hydrogéologiques susceptibles de garantir la préservation des ressources naturelles, un point sur lequel les trois experts devraient s’attarder.
Un projet minier gigantesque remis en question par les communautés de Cajamarca qui lèvent la voix
Par ailleurs, les fortes protestations menées depuis plusieurs mois dans la zone ont eu raison du président de gauche, Ollanta Humala, qui a fait le choix, au mois de décembre dernier, afin de calmer les esprits, de suspendre le projet jusqu’à ce que des experts internationaux jugent de sa faisabilité. Le projet Conga, dont l’investissement est estimé à 4 800 millions de dollars, prévoit de drainer quatre lagunes d’altitude, deux d’entre elles pour extraire de l’or et les deux autres afin d’y déposer des déchets et autres résidus dans un délai de 19 ans. Pour compenser, l’entreprise prévoit la mise en place de quatre lacs artificiels de capacité supérieure.
Beaucoup s’inquiètent des répercussions sur les réserves souterraines en eau craignant une contamination pure et simple des nappes phréatiques dans cette zone à l’écosystème vulnérable. De nombreux habitants de Cajamarca (à majorité indigène) vivent essentiellement de leurs activités agricoles, piscicoles ou encore d’élevage (sachant que 70 % de l’activité économique à Cajamarca est agro-pécuaire), à ce titre ils avaient engagé en novembre dernier, comme signe de mécontentement, une grève de 11 jours qui avait totalement paralysé la région. Le gouvernement n’avait pas hésité dès lors à déclarer l’état d’exception dans quatre provinces touchées par le conflit social (Cajamarca, Celendín, Hualgayoc et Contumazá) durant onze jours. Une mesure jugée extrême qui avait été source de polémique à travers le pays, et avait conduit à un remaniement ministériel.
Face aux menaces à peine voilées du président régional, Gregorio Santos, laissant entendre que les communautés courroucées pourraient s’en prendre à l’intégrité physique des experts, le premier ministre, Óscar Valdés, a aussitôt garanti la sécurité des scientifiques venus expertiser sur place. « Les experts vont bénéficier d’une protection assurée par l’État, et je suis convaincu que le peuple péruvien en fera tout autant. Ils vont réaliser un travail éminemment technique et nous devons leur faciliter la tâche afin qu’ils puissent lever les doutes qui assaillent Cajamarca concernant le projet (Conga) », a-t-il déclaré à la presse.
Les experts en charge de l’étude sur l’impact environnemental de l’exploitation minière ne seront toutefois pas en mesure de déclarer le projet non viable, a informé le journal péruvien « La República ». En effet, ces derniers pourront uniquement apporter des solutions pour limiter les impacts négatifs sur l’écosystème de la zone, mais en aucun cas, invalider le projet. Ils devront être en mesure de proposer des alternatives pour donner la priorité à l’eau en s’assurant que la population puisse en bénéficier en quantité et en qualité suffisante, mais ils ne pourront pas remettre en question la validité du projet. Le ministre de l’Environnement, Manuel Pulgar Vidal, a demandé à ce que les experts puissent travailler tranquilles avant d’émettre « des conclusions hâtives sur leur travail ». Il a également précisé concernant les experts « ils ne se livrent pas à une expertise pour déterminer si le projet doit avoir lieu ou non, mais bien pour adopter des mesures adéquates », une déclaration faite par le fonctionnaire sur le canal N de la télévision péruvienne. À la fin de leur expertise, les scientifiques présenteront un rapport détaillé à la présidence du Conseil des ministres avant que celui-ci ne soit divulgué à la population. Cependant, les opposants estiment que les conclusions seront indubitablement en faveur de Conga « le travail des experts est de justifier le projet et nous considérons donc que cet effort est vain », a affirmé le dirigeant du front de défense des intérêts de Cajamarca (Frente de Defensa por los Intereses de Cajamarca),Wilfredo Saavedra, l’un des principaux opposants à ce projet controversé.
Une « Marche nationale pour l’eau » a été menée contre l’industrie minière
L’annonce de l’identité des experts dépêchés au Pérou intervient une dizaine de jours après qu’une marche nationale en défense de l’eau ait été menée par des milliers de personnes qui ont parcouru les kilomètres séparant Cajamarca de la capitale, Lima, (où ils sont arrivés le 9 février) dans le but de rejeter le projet minier Conga. Un projet d’envergure encouragé par le gouvernement en raison des bénéfices économiques qui sont liés à sa mise en place.
Malgré la portée nationale, et même internationale, de cette marche pacifiste de 800 km pour l’eau, symbole de vie, le gouvernement a tenu à réitérer sa fermeté devant les protestataires en déclarant « que le Pérou resterait un pays attractif pour les investissements miniers », un moyen de tranquilliser les investisseurs étrangers en leur assurant que les autorités ne céderaient pas à la pression sociale.
« Nous marcherons pacifiquement pour défendre notre eau, parce qu’ils veulent mutiler nos vies », avait déclaré de son côté Lourdes Huanca, dirigeante paysanne de Cajamarca, lors de la présentation de la marche à la presse.
Des tensions sociales qui mettent à l’épreuve le président de gauche Ollanta Humala
Ce conflit social de grande ampleur intervient alors que le président Ollanta Humala se trouve en plein débat avec les communautés natives au sujet de la Loi de consultation préalable qui implique leur consultation avant qu’un projet puisse être mené sur leurs terres. Cette loi, qui a été promulguée en septembre 2011, soit 16 ans après que le Pérou ait ratifié la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail, divise encore les indigènes et les autorités concernant son mode d’application. La loi stipule que les communautés et l’Exécutif doivent trouver un terrain d’entente par le dialogue concernant les activités qui peuvent être développées sur leur territoire, cependant dans le cas où les deux parties ne se mettraient pas d’accord, le gouvernement aurait alors l’ascendant sur la décision finale, ce que réfutent les natifs. Lors d’une conférence de presse, le président de l’Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (Aidesep), Alberto Pizango, a affirmé « qu’il ne s’agissait pas pour l’État de prendre des décisions sans avoir obtenu le consentement des peuples indigènes quelles que soient les activités susceptibles d’être développées ».
Les indigènes assurent que si le gouvernement ne modifie pas la loi sous un délai de 30 jours, ils présenteraient une requête devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme ou encore devant le Tribunal constitutionnel.
À l’heure actuelle, le Pérou est engagé dans différents projets miniers dont les investissements sont estimés à 50 000 millions de dollars au cours de la prochaine décennie. Une somme essentielle à la croissance du pays qui pourrait malgré tout connaître un autre dessein si le refus des populations locales venait à perdurer. Les communautés se sentent exclues, à juste titre, des retombées économiques liées à ces chantiers d’envergure sur leurs territoires et craignent que leur environnement ne soit entaché par des activités polluantes, ce qui est contraire au lien qui les unit avec la terre nourricière.
Le Pérou est confronté actuellement à plus de 200 conflits sociaux liés au secteur minier ou encore énergétique. Un bras de fer qui oppose la plupart du temps le président Humala aux communautés natives qui l’ont porté en grande partie au pouvoir lors du second tour des élections présidentielles survenues le 5 juin 2011.
(Aline Timbert)
Je felicite au president du perou Ollanta Humala pour etre tres pragmatique. Avec les investissements au perou, la croissance est assuré. La Perou tiens un brillant avenir.