Après cinq jours d’intense polémique, l’Institut fédéral électoral du Mexique a confirmé officiellement l’élection à la présidence de la République du candidat centriste Enrique Peña Nieto (du Parti révolutionnaire institutionnel PRI) avec 38,21 % des suffrages. Un résultat annoncé vendredi 6 juillet après recomptage partiel des urnes, une requête qui avait été effectuée par le principal adversaire de Enrique Peña Nieto, le candidat de gauche Andrés Manuel López Obrador qui avait clairement dénoncé des fraudes électorales.
« Nous présentons une demande formelle de la coalition (de gauche) pour un nouveau décompte des 143 000 postes de vote installés pour l’élection présidentielle », avait affirmé mardi, durant une conférence de presse, le coordinateur de la campagne de la gauche, Ricardo Monreal, en présence de M. Lopez Obrador arrivé second aux élections présidentielles survenues dimanche 1er juillet. Finalement l’Institut fédéral électoral (IFE) avait concédé à recompter un tiers des votes pouvant donner lieu à des doutes.
Selon les résultats définitifs, le candidat de gauche, Andrés Manuel López Obrador a accumulé 31,59 % des voix, il est suivi par la candidate du Parti action nationale (PAN, mouvement politique du président sortant Felipe Calderon), Josefina Vázquez Mota, qui a réuni 25,41 % des suffrages, arrivé dernier on retrouve le candidat du Partido Nueva Alianza (Panal), Gabriel Quadri avec 2,29 % des voix. Les résultats officiels incluent le décompte de 143 435 bureaux électoraux installés dimanche premier juillet et y compris les votes émis par les Mexicains de l’étranger.
La candidate du PAN (Parti action nationale) a annoncé qu’elle respecterait les résultats officiels tout en dénonçant « les irrégularités » dans le processus électoral, tandis que la gauche a confirmé jeudi son intention d’invalidité les élections présidentielles en invoquant de graves fraudes telles que « l’achat de millions de votes ». Il faut savoir que pour annuler le résultat de l’élection présidentielle, la loi électorale stipule que les requéreurs doivent prouver des irrégularités graves, comme des « achats de vote », dans au moins 25 % de tous les bureaux de vote du pays.
De son côté le gouvernement sortant a déclaré par la voix du secrétaire du Gouvernement, Alejandro Poiré, que l’élection avait eu lieu de façon « propre et transparente ».
« Il y a eu un manque d’équité avant et après le processus électoral, surtout en ce qui concerne la propagande politique couverte par la radio et la télévision en faveur du candidat Enrique Peña Nieto », a affirmé le représentant de la gauche devant l’Institut fédéral électoral IFE, Camerino Márquez.
Déjà candidat à l’élection présidentielle de 2006, l’outsider Lopez Obrador avait remis en question les résultats de cette année-là, accusant l’actuel président sortant, Felipe Calderón, de fraude. Il faut préciser que le candidat Calderón avait remporté l’élection avec seulement 0,56 % d’avance sur son rival ! Lopez Obrador avait été l’instigateur d’importants mouvements protestataires qui avaient paralysé le centre de la capitale durant plusieurs semaines, aujourd’hui la donne est différente puisque l’écart qui le sépare du vainqueur et de 6,51 % (plus de 3 millions de voix). M. Nieto a nié en bloc toute fraude lors du scrutin.
Samedi 7 juillet ce sont près de 70 000 personnes qui se sont réunies dans les rues de la capitale de México pour manifester leur opposition au vainqueur des élections présidentielles, des chiffres émis par les autorités mexicaines. Les manifestants ont conclu leur marche sur l’emblématique place du Zócalo scandant des slogans contre Peña Nieto, parmi lesquels « Peña, comprend-le, tu n’es pas président ! », « Le Mexique sans PRI », « le Mexique a voté et Peña n’a pas gagné », ou encore « s’il y a imposition, il y aura révolution », ce dernier étant le motif du mouvement Yo soy 132 (mouvement étudiant) qui a fait son irruption sur le terrain social durant la campagne électorale.
Les accusations concernant le fait que le président élu est un pur produit de la chaîne Televisa, l’une des principales chaînes mexicaines, restent vivaces, de même que le fait que le PRI aurait investi des montants excessifs dans la campagne en violant les normes constitutionnelles et qu’ il aurait acheté des votes, différents motifs de contestation pour une partie de la population. « Des rivières d’argent obtenues illicitement ont été utilisées pour acheter des millions de votes », a affirmé M. López Obrador lors d’une conférence de presse vendredi.
Le secrétariat rattaché à la Sécurité publique de la capitale mexicaine a présenté des chiffres différents en déclarant que les manifestants de samedi n’étaient que 20 000. Tous ont défilé avec fougue pour s’opposer au retour du PRI à la tête du pays, un parti politique qui est resté 71 ans au pouvoir, jusqu’à l’année 2000, et qui a toujours été entaché par des suspicions de corruption et d’abus de pouvoir. Peña Nieto doit normalement prendre ses fonctions le premier décembre lors de son investiture remplaçant ainsi aux plus hautes fonctions de l’État le conservateur Felipe Calderon, mais le tribunal électoral mexicain a jusqu’en septembre pour évaluer le bien-fondé des plaintes et ne pourra proclamer officiellement Peña Nieto président du Mexique qu’à cette date. Toutefois les probabilités d’annulation du scrutin sont faibles selon les analystes politiques, car il faudrait selon la loi en vigueur démontrer la fraude dans 25 % des urnes à travers le pays et le fait qu’elles ont pu induire l’avance de quelque 3,4 millions de voix d’avance du premier candidat sur le deuxième.
Pour de nombreux Mexicains, l’arrivée au pouvoir du PRI symbolise un retour à la corruption, à l’autoritarisme et à l’élitisme, même si le nouveau président s’est voulu rassurant en déclarant « qu’il serait à la tête d’un nouveau PRI, d’un PRI renouvelé » précisant qu’il serait le président de tous les Mexicains et qu’il défendrait la démocratie.
Par ailleurs, Enrique Peña Nieto, a annoncé « qu’il n’y aurait aucune trêve contre le crime organisé », son prédécesseur en six années de mandat n’est pas parvenu à enrayer la violence liée aux cartels de la drogue, malgré le déploiement de l’armée et de la police ce sont pas moins de 47 000 personnes qui ont perdu la vie devant la violence aveugle des trafiquants.
Enrique Peña Nieto a annoncé lundi lors d’une interview accordée au journal britannique ‘Financial Times’ qu’il comptait créer une force de 40 000 effectifs pour protéger les citoyens du crime organisé et plus particulièrement des narcotrafiquants. Il a expliqué que sa priorité en tant que président serait d’en finir avec la violence qui frappe cruellement le pays « les préoccupations des Mexicains doivent être prises en compte, hors actuellement leur première préoccupation la violence » a-t-il déclaré avant d’ajouter « le Mexique ne peut se redresser sans mettre fin aux morts et aux enlèvements ». Jusqu’à présent la coopération avec les États-Unis avait été un facteur déterminant dans la lutte contre le crime organisé au Mexique, non seulement en raison de la surveillance accrue mise en place à la frontière entre les deux pays, mais aussi pour l’aide financière apportée par le voisin nord-américain. Le nouveau président a expliqué qu’il devrait y avoir quelques ajustements dans la coopération bilatérale faisant plus particulièrement référence à l’interdiction des ventes d’armes lourdes levée en 2004.
La controverse suscitée au Mexique par le résultat des élections n’a pas empêché les chefs de l’État du monde d’adresser leurs félicitations à Enrique Peña Nieto pour sa victoire, c’est le cas du président de la République française qui a adressé le communiqué suivant :
« Monsieur le Président élu,
Il y a moins de deux mois, vous aviez eu l’occasion de me féliciter pour mon élection à la tête de la République française et je vous en avais vivement remercié. Je vous adresse, à mon tour, mes plus sincères félicitations à la suite de votre victoire aux élections présidentielles mexicaines, telle qu’annoncée par l’Institut Fédéral Électoral.
Nos deux gouvernements se mettent en place la même année. J’avais pris bonne note de votre volonté de relancer la relation bilatérale avec mon pays. Aujourd’hui, je vous confirme ma propre disponibilité à entamer une nouvelle phase de la relation entre la France et le Mexique, sous le signe de la confiance et du dialogue.
La France et le Mexique sont liés par des relations d’amitié et de coopération étroites. De même, nos deux pays partagent une vision proche des grands enjeux internationaux. C’est un capital important sur lequel nous devons continuer à construire.
J’espère que nous aurons bientôt l’occasion de nous rencontrer et de faire connaissance plus directement. Si vous entreprenez une tournée européenne, je vous recevrai avec plaisir, à Paris, afin que nous puissions aborder la façon de travailler ensemble dans les années à venir et de renforcer notre relation bilatérale.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président élu, l’expression de ma très haute considération. »
Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Espagne ont également salué la victoire du candidat Peña Nieto en lui adressant différents messages de sympathie. Le président américain Barack Obama a appelé Peña Nieto par téléphone pour féliciter « le président élu du Mexique ». Le chef de l’exécutif espagnol, Mariano Rajoy, a félicité le nouveau président élu a assuré qu’il pouvait compter « sur le soutien de l’Espagne ». Le ministre des Affaires étrangères britannique, William Hague, a salué la victoire du Parti révolutionnaire institutionnel en déclarant « le Royaume-Uni et le Mexique partage une excellente relation fondée sur le dialogue et le respect mutuel » précisant qu’il souhaitait continuer « de construire » avec la nouvelle administration. Le président de Colombie Juan Manuel Santos s’est également prêté au jeu des félicitations en déclarant « nous parlons avec le nouveau président du Mexique pour le féliciter de sa victoire. Nous avons avec le Mexique un agenda pas très important« , a-t-il écrit sur son compte Twitter.
La chef de la diplomatie de l’Union européenne (UE), Catherine Ashton, a également félicité le candidat du Parti révolutionnaire institutionnel pour sa victoire aux élections élections « La Haute Représentante envoie ses chaleureuses félicitations à Enrique Peña Nieto pour son élection à la présidence des États-Unis du Mexique », a déclaré son cabinet soulignant les « excellentes relations » entre le Mexique et l’Union européenne, construites au cours de ces dernières années, précisant « qu’elles se maintiendraient et même se renforceraient ».
(Aline Timbert)