La sécheresse qui a affecté les États-Unis, mais aussi la région de la mer Noire (la Russie, le Kazakhstan et l’Ukraine principalement), a généré une augmentation généralisée du prix des céréales cultivées en Amérique latine et aux Caraïbes, une information donnée par le Bureau régional de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO).
Le bulletin trimestriel de sécurité, alimentaire qu’élabore l’organisme prévoit, dans sa dernière édition, une fluctuation importante des prix du maïs et du soja produits dans la région en raison de la sécheresse qui a affecté 75 % de la superficie occupée par lesdites cultures aux États-Unis. Selon ce rapport, les prix internationaux du maïs, du blé, du soja ont augmenté de plus de 30 % entre le mois de juin et juillet 2012.
« Les pays exportateurs de céréales et de soja comme l’Argentine, le Brésil, et le Paraguay pourraient augmenter leurs exportations à court terme. De plus, ils pourraient augmenter les investissements destinés au secteur agricole et amplifier leurs systèmes de protection sociale », une déclaration effectuée par Raúl Benítez, représentant de la FAO pour l’Amérique latine et les Caraïbes. Il a précisé que cette augmentation représente un défi additionnel pour tous les pays d’Amérique centrale, dont les importations de maïs et de soja dépendent de la production aux États-Unis. « Ces pays doivent renforcer leurs politiques afin d’augmenter la production interne d’aliments de base, diversifier ses foyers d’importation et renforcer leur système de protection sociale », a indiqué Benítez. De son côté, le département à l’agriculture des États-Unis a indiqué que la production de maïs serait la plus basse depuis 2006, une situation qui s’explique par l’épisode de sécheresse qui a affecté le pays, la pire depuis plus de 50 ans. La canicule ou sécheresse a également sévi au Mexique et en Amérique centrale causant plusieurs milliards de pertes dans le milieu agricole.
Au Guatemala, les autorités ont reporté les pertes évaluées à 6,6 millions de dollars, le pays ayant perdu près de 50 % de sa récolte de maïs. Au Honduras, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture ont établi que le maïs avait été détruit à hauteur de 53% et à près de 55 % pour la production d’haricots. Pour le moment, les autorités n’ont pas établi de bilan économique lié à ces pertes massives. Le Nicaragua semble être le pays le moins touché par cet épisode météorologique, le président de l’Union nationale des agriculteurs et éleveurs du Nicaragua (UNAG), Álvaro Fiallos, a garanti que les répercussions ne devraient pas être trop importantes grâce aux pluies tombées récemment. L’année dernière l’Argentine était le premier exportateur mondial de soja, le deuxième de maïs et le sixième de blé.
Au Mexique, la sécheresse a anéanti 3,2 millions d’hectares (pertes économiques estimées à 11 000 millions de dollars). Le Salvador a perdu 2,1 millions de quintaux de maïs soit 10,5 % de la production nationale, des chiffres émis par le ministère de l’Agriculture et l’élevage. Ce sont 12 000 petits agriculteurs salvadoriens qui sont par ailleurs en situation d’endettement.
L’Argentine et le Brésil, respectivement deuxième et troisième exportateurs mondiaux de maïs, effectuent leurs semis à l’automne, ce qui pourraient donc les pousser à planter davantage. Les bonnes perspectives climatiques, l’augmentation de la demande internationale et les conditions favorables du marché devraient permettre à l’Argentine d’assurer une très bonne production, comme l’a souligné Guillermo Eyherabide, coordinateur de programme national de Céréales de l’INTA, « Toutes les conditions sont réunies pour une production du maïs imbattable » précisant que le rendement par hectare sera en augmentation grâce aux conditions écologiques et technologiques. L’Argentine espère également profiter de la sécheresse qui frappe plusieurs régions du globe pour vendre sa production, à des prix très élevés.
A contrario, la Colombie, grand importateur de maïs (à hauteur de 75 %) s’inquiète de l’augmentation des prix, comme l’a souligné Rafael Mejía, directeur de la Société d’Agriculteurs de Colombie (SAC).
Le 27 août, la FAO a souligné dans un rapport ces sécheresses répétées dans certaines régions du monde incitaient à adopter de nouvelles mesures pour préserver et administrer au mieux les ressources hydriques. Dans cette optique, le directeur général de la FAO, José Graziano da Silva, a souligné qu’il ne pouvait pas y avoir de sécurité alimentaire sans sécurité hydrique, en raison du manque de ressources en eau et du risque de contamination qui menacent les systèmes de production. La FAO a souligné que ces phénomènes naturels obligeaient les pays à améliorer leurs systèmes d’irrigation et à recycler les eaux de pluie. Au Salvador, le ministre de l’Agriculture, Guillermo López Suárez, a assuré que les autorités travaillaient déjà à la reconstruction de plusieurs surfaces d’irrigation en particulier dans l’Oriente, une zone particulièrement touchée par ce phénomène. La crainte des gouvernements du Mexique et d’Amérique centrale est une possible famine menaçant les familles de paysans pratiquant essentiellement une agriculture d’auto-subsistance. Au Honduras, Guatemala et au Salvador, les autorités ont effectué un recensement des familles d’agriculteurs les plus touchés afin de leur remettre des rations de nourriture et de nouvelles semences à planter lorsque les pluies seront de retour. Aux États-Unis, le gouvernement a débloqué 30 millions de dollars supplémentaires début août pour venir en aide aux agriculteurs ont perdu leur récolte. La sécheresse aux États-Unis et la perspective d’une crise alimentaire mondiale relancent le débat sur les biocarburants, lesquels représentent 40% de ce qui est produit en maïs dans le pays de l’oncle Sam. « Le problème ce sont les biocarburants. La production de ces derniers réduit l’offre en aliments », a affirmé Diego Otero, recteur à l’université Uniciencia.
« Notre principale préoccupation n’est pas de supprimer la production de biocarburant, mais d’oeuvrer pour plus de flexibilité », a déclaré David Hallam, directeur de la division de commerce et de marchés de la FAO ». José Graziano da Silva, le directeur général de la FAO, a réclamé fermement aux États-Unis de suspendre leur législation imposant des quotas de bioéthanol dans les carburants, produits à base de maïs ou de colza.
Dans les pays développés, pour affronter cette nouvelle hausse du cours des céréales et du soja, FranceAgriMer craint que les éleveurs ne soient obligés d’abattre une partie de leur bétail faute de pouvoir payer les aliments, ce qui a d’ailleurs commencé aux États-Unis. Aux États-Unis le nombre de têtes de bétail n’a pas été aussi faible depuis 1952.