Il y a un mois environ, la communauté indigène yanomami évoluant dans le bassin amazonien entre le Venezuela et le Brésil a fait entendre sa voix pour aborder les droits des peuples autochtones devant des représentants des gouvernements concernés, mais aussi des organisations indigènes et des ONG de défense des autochtones.
Les natifs souhaitent attirer l’attention des autorités de leur pays respectif sur les dangers qui planent sur leur communauté, à savoir le problème lié à la santé, et l’impact négatif de l’exploitation minière, la plupart du temps illégale, sur leurs territoires ancestraux.
Dans un communiqué, les Yanomami ont dénoncé l’occupation de leurs terres, ils sont particulièrement préoccupés par les activités minières qui se développent, une exploitation des ressources naturelles synonyme de pollution et de destruction de l’environnement. Un impact écologique qui a des conséquences directes sur le mode de vie des natifs qui vivent de la pêche et de la chasse et sur leur intégrité physique : « Nous voulons être consultés sur ces projets auxquels nous nous opposons parce qu’ils menacent nos vies ». Les répercussions de l’exploitation minière sur la santé sont en effet indéniables, sans compter les conflits engendrés par l’activité minière illégale. Pour rappel, il y a 20 ans, 16 indigènes avaient été tués brutalement par des orpailleurs sans foi ni loi à Haximu, au Venezuela.
Les indigènes yanomami représentent à ce jour une population totale d’environ 32 000 individus qui peuplent les forêts tropicales de part et d’autre de l’Orénoque. Selon différentes sources, le nombre d’orpailleurs illégaux qui ont pénétré leur territoire ne cesse d’augmenter au fil des ans. Une intrusion difficilement contrôlable qui a eu des conséquences dramatiques sur l’environnement des indigènes, 20 % de la population aurait d’ores et déjà péri sous des actes de violence ou en raison de l’impact épidémiologique, les natifs ne bénéficiant pas de défenses immunitaires contre les agressions extérieures.
Les Yanomami dénoncent l’action des orpailleurs qui agissent en toute illégalité
Le contact avec les orpailleurs peut s’avérer désastreux pour les Yanomami isolés appelés Moxateteu en raison des violents conflits que cela peut engendrer, mais aussi du risque sanitaire que cela représente. Les orpailleurs sont porteurs de paludisme et d’autres maladies qui peuvent s’avérer mortels pour les natifs.
Dans une lettre ouverte, les indigènes ont affirmé « Il faut comprendre que pour la préservation de notre santé et la protection de nos territoires nous avons besoin d’actions conjointes menées par les deux gouvernements incluant la participation des Indiens » ajoutant « La situation à la frontière du Brésil et du Venezuela est très grave, de nombreux campements miniers clandestins y sont établis générant violence et épidémies, la destruction de nos terres et la contamination des cours d’eau… Notre santé sera compromise tant que notre territoire ne sera pas protégé ».
Outre l’activité minière illégale, les natifs craignent également que les gouvernements n’étendent l’exploitation minière légale à des fins économiques y compris sur des territoires normalement protégés. Le congrès brésilien débat justement autour d’une loi qui, si elle est approuvée, permettrait l’exploitation minière à grande échelle sur les territoires indigènes.
Pourtant le Brésil (tout comme le Venezuela) en accord avec la Convention 169 relative aux peuples indigènes et tribaux (accord ratifié en mai 2002) se doit d’assurer la protection des peuples autochtones. Le Brésil a ratifié la Convention 169 en juillet 2002 et l’a incorporée dans la législation du pays en avril 2004.
Cependant, dans les faits, tout n’est pas aussi simple, au Venezuela par exemple, le gouvernement est souvent dépourvu quand il s’agit d’assurer efficacement la protection de ces communautés isolées au cœur de l’Amazonie faute de moyens. Les menaces venues de l’extérieur sont pourtant visibles avec les mineurs illégaux : pistes d’atterrissage clandestines, déforestation, installations de camps de fortune, pollution des cours d’eau au mercure…
Les natifs craignent pour leur santé
En août dernier, les Nations-Unies ont manifesté leur vive inquiétude face à l’impunité dont bénéficient les orpailleurs clandestins qui commettent des actes d’agression et de violence contre les Yanomami. Elles ont rappelé au Venezuela la nécessité de mener une enquête afin de condamner tous les auteurs de ces exactions, mais la plupart du temps ces crimes restent impunis.
L’activité minière pèse comme une épée de Damoclès sur la population yanomami depuis environ 20 ans, outre la contamination des cours d’eau, elle implique souvent le recours à la violence de la part des orpailleurs illégaux qui s’aventurent sur ce territoire pourtant hostile. Les « garimpeiros » n’hésitent pas à tuer pour poursuivre leurs activités sans être dérangés, la survivance même de cette communauté dépend donc de la capacité à stopper ces actions intrusives et préjudiciables. En effet, l’intrusion d’étrangers peut induire la transmission de maladies contre lesquels les indigènes ne sont pas immunisés.
L’accès à la santé reste bien évidemment un problème, car malgré la mise en place du « Plan de santé yanomami » au Venezuela, le défi reste immense pour venir en aide à cette population vivant dans un grand isolement sur une surface d’environ 8,2 millions d’hectares au sein de la biosphère Alto Orinoco-Casiquiare. Au Brésil, le territoire des Yanomami est estimé à 9,6 millions d’hectares. Ces deux pays englobent le plus grand territoire indigène en milieu tropical au monde.
La présence de diverses affections comme la malaria, et les virus gastro-intestinaux menacent ces groupes isolés, la mise en place de centres de santé dans les zones les plus peuplées comme Mavaca et Ocamo ne doivent pas faire oublier les zones les plus reculées où l’assistance médicale est inexistante.
Les Yanomami sont en contact avec des « étrangers » depuis 1940 lorsque le gouvernement brésilien a envoyé des équipes pour délimiter la frontière avec le Venezuela. Les premières épidémies ont alors surgi parmi lesquelles la rougeole et la grippe, aujourd’hui le paludisme et l’hépatite constituent de sérieuses menaces.
Au Venezuela, on estime que 15 000 personnes sont impliquées dans l’activité minière à petite échelle. Au Brésil, 1 380 millions d’hectares sont consacrés à l’activité minière artisanale, principalement à la frontière avec le Venezuela. Les chercheurs illégaux d’or représentent 10 à 15 % du total des prospections.
En 2011, les Yanomami au Venezuela ont créé leur propre organisation, Horonami, afin de défendre leurs droits.
Davi Kopenawa, chaman et porte-parole des Yanomami depuis trente ans affirme, « L’or, les diamants, et même l’uranium que convoitent les grandes entreprises doivent rester dans le sol. Ils appartiennent à la terre, c’est elle qui nous nourrit », pas sûr que ses paroles soient entendues…
« Nos fils ne seront plus Yanomami » par lemondefr
(Aline Timbert)