Ce n’est plus un secret pour personne, l’immense forêt tropicale amazonienne et ses multiples cours d’eau regorgent de trésors insoupçonnés. Les scientifiques en ont une nouvelle fois fait l’expérience, à leur plus grande joie, en découvrant une nouvelle espèce de dauphin d’eau douce évoluant dans les eaux du fleuve Araguaia qui prend sa source dans l’État central brésilien du Mato Grosso.
« inia araguaiensis », voilà comment a été baptisé fin janvier le nouveau représentant de la famille des cétacés, une espèce de dauphin d’eau douce jamais identifiée auparavant, il s’agit de la première découverte du genre depuis plus d’un siècle ! C’est une découverte totalement inespérée qui démontre une nouvelle fois la méconnaissance des chercheurs en ce qui concerne l’impressionnante biodiversité de la région, c’est en effet le constat émis par le responsable de l’équipe scientifique en charge des recherches, le biologiste Tomas Hrbeck, qui travaille pour l’Université fédérale d’Amazonas dans la ville de Manaus.
Les scientifiques estiment qu’à l’heure actuelle la population de ce dauphin d’eau douce est d’environ 1000 spécimens, ces cétacés évoluent dans une zone s’étendant sur un peu moins de 3000 km de long, depuis la source de l’Araguaia jusqu’à son confluent avec l’Amazone. Dans un premier temps, les dauphins des deux fleuves étaient considérés comme appartenant à la même famille, mais des études génétiques ont permis de prouver définitivement le contraire.
« L’analyse du génome mitochondrial montre qu’ils n’appartiennent pas à la même lignée bien que les groupes que nous étudions soient bien plus liés entre eux que d’autres groupes en d’autres lieux. Selon toute vraisemblance, les groupes se sont séparés depuis bien longtemps », a informé l’universitaire. L’analyse initiale permet de comprendre que les dauphins ont une origine commune, mais qu’ils se sont séparés il y a au moins 2 millions d’années. D’après les chercheurs, la différenciation entre « Inia araguaiaensis » et « Inia geoffrensis » s’est produite après que le bassin du fleuve Araguaia s’est retrouvé séparé de celui de l’Amazone par un réseau de chutes et de rapides, des obstacles naturels que les dauphins ne pouvaient pas franchir.
L’étude menée par l’Université fédérale d’Amazonas a montré que le dauphin, nommé scientifiquement comme aragualiaensis lnia, possède des caractéristiques morphologiques et moléculaires différentes du célèbre « dauphin rose d’Amazonie », reconnaissable à ses petits yeux et à son grand crâne.
« Les différences morphologiques sont petites, par exemple les proportions du crâne sont différentes, les dents sont plus petites… Le dauphin de l’Araguaia constitue un groupe isolé des dauphins roses », a affirmé le scientifique en ajoutant que la principale différence est d’ordre génétique.
Les dauphins constituent une attraction touristique majeure dans l’Amazonie, leur nature joviale et leur propension à approcher les humains les rendent très attractifs. Les visiteurs ont tendance à suralimenter les cétacés, mais leur présence a permis de freiner la chasse, en effet la chair de dauphin était utilisée comme appât pour la pêche à grande échelle.
À peine découverte, le danger qui pèse sur cette espèce inquiète déjà les scientifiques, en effet ils sont menacés par la présence de barrages hydroélectriques dans la région et par les cultures agricoles à proximité du fleuve qui augmente la présence de sédiments et accentue par conséquent le trouble de l’eau.
« Les résidus des entreprises hydroélectriques bouleversent la migration et leur dynamique, cela affecte les poissons, de sorte que cela peut priver les dauphins de nourriture ». En accord avec les études effectuées jusqu’alors, il existerait entre 600 et 1500 spécimens de cette nouvelle espèce de dauphin d’eau douce en Amazonie.
En raison de sa vulnérabilité, le « boto-do-araguaia » devrait prochainement intégrer la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), maintenant que cette adorable créature a été mise au jour, sa protection devient une priorité absolue. Fort heureusement la médiatisation autour de sa découverte devrait permettre de sensibiliser l’opinion sur la nécessité de le protéger très vite des actions humaines néfastes à sa survie.
Il ne faudrait pas que ce dauphin d’eau douce amazonien connaisse le même sort funeste que son lointain congénère chinois, le Lipotes Vexillifer, malheureusement totalement disparu des eaux du fleuve Yangzi Jiang en 2008.
L’Amazonie abrite plus de la moitié de la biodiversité mondiale, malheureusement ce joyau vert n’a plus rien d’un sanctuaire préservé et ses résidents sont chaque jour soumis à l’influence nuisible des hommes qui développent leurs activités sans prendre en compte la préservation d’un écosystème unique. Le développement économique pèse chaque jour sur les espèces animales et végétales qui peuplent le bassin amazonien, sans oublier les peuples natifs qui voient la forêt se réduire comme une peau de chagrin.