Colombie : Le Casanare vit une tragédie environnementale liée à la sécheresse

Le département du nord-est colombien, le Casanare, affronte depuis plusieurs mois maintenant un épisode caniculaire sévère, cette zone marquée par la végétation typique des llanos du bassin de l’Orénoque au cœur des plaines colombiennes subit les conséquences directes de la météo, mais aussi des transformations humaines. C’est l’état de désolation qui règne depuis quelques semaines dans cette partie du monde et des milliers d’animaux ont déjà succombé au phénomène. La mort rôde sur ce territoire qui représente 17,55 % de l’Orinoquía (Orénoquie) colombienne.

Capybara
Capybara

C’est une vague de chaleur intense à l’origine d’une terrible sécheresse qui s’est abattue ces quatre derniers mois sur le département, avec des températures oscillant entre 40 et 45 °C, des conditions extrêmes qui ont provoqué la mort de milliers d’animaux sylvestres, ces derniers souffrant de déshydratation. Près de 20 000 animaux, principalement des capybaras, des cerfs, des renards, mais aussi des poissons, tortues, reptiles et autres bovins n’ont pas faire face à cet épisode de chaleur et à la raréfaction de l’eau. La plus grande mortalité frappe le capybara (Hydrochoerus hydrochaeris), ce rongeur emblématique d’Amérique du Sud considéré à ce jour comme le plus gros représentant de son espèce (il pèse entre 35 et 65 kilos), il est en fait un mammifère semi-aquatique qui pâtit directement du manque d’eau.

L’impact environnemental de la sécheresse est si important que les autorités de la région évaluent la probabilité de déclencher l’état d’urgence, en particulier dans la municipalité de Paz de Ariporo, la troisième localité la plus importante du département. La mise en place de l’état d’urgence permettrait de débloquer des fonds au niveau l’État pour permettre de creuser des puits en profondeur à moyen terme avec des équipes spécialisées en approvisionnement en eau. Les animaux sont en effet contraints de parcourir des distances interminables afin de trouver une source d’eau permettant de survivre, le plus souvent une mare de boue déjà surpeuplée. Le maire de Paz de Ariporo, Edgar Bejarano, a signalé à la presse que lors des deux derniers mois environ 3 000 têtes de bétail et près de 20 000 animaux ont été retrouvés sans vie. Les animaux décèdent pendant qu’ils errent sur des kilomètres en quête du précieux liquide indispensable à leur survie.

colombie24032014-4Dans ce contexte de « llanos », la mortalité des animaux liés à la situation climatique n’est pas rare, surtout à cette époque de l’année marquée par la saison sèche, mais avec la prolongation d’un été très chaud et sec, ce phénomène naturel a pris des proportions qui dépassent largement les normes.

20 000 animaux sont déjà morts, les capybaras sont les premières victimes de cette sécheresse intense

L’ancienne ministre à l’environnement, Adriana Soto, experte dans le domaine du changement climatique, a affirmé que les épisodes de sécheresse et de pluies intenses allaient se multiplier précisant que seules les régions à la couverture naturelle importante (forêts…) pourraient y faire face. La déforestation constitue, à ce titre, l’une des pires menaces, l’extension des activités agricoles induit un déboisement important qui met en péril l’équilibre de régions entières. Au Casanare, un spécialiste fait mention d’un drainage du sol pour garantir de meilleures conditions aux exploitants agricoles, or cela a une incidence directe sur l’environnement, à cela s’ajoute la multiplication des exploitations pétrolières qui affaiblissent et détériorent considérablement la nature. Pour de nombreux écologistes, la faune s’éteint peu à peu dans le département, le responsable de la Corporation autonome régionale de la Orinaquía, dans la cordillère orientale des Andes colombiennes, Ricardo Combriza, a annoncé que la surface affectée par la main humaine est de près de 300 000 ha et les dommages environnementaux considérables.

Capybaras cherchant désespérément un point d'eau
Capybaras cherchant désespérément un point d’eau

Adriana Soto a souhaité qu’un regard scientifique et non pas politique soit porté sur cette région et sur les problématiques qui se présentent, affirmant que l’unique solution pour affronter de longues périodes de sécheresse ou d’inondation est de préserver les espaces boisés en luttant avec conviction contre la déforestation. La construction de puits ne pourra à elle seule permettre d’affronter les changements climatiques, car les réserves hydriques seront insuffisantes, et conduiront à la mort des milliers d’animaux sylvestres.

Près de 25 0000 hectares de savanes verdoyantes, parsemées de plans d’eau, sont devenus un désert inhospitalier pour ses habitants.

« La déforestation est gigantesque et personne ne replante », a affirmé l’écologiste le plus reconnu de département Rodrigo Roa, qui a souligné « il y a de nombreux coupables, en commençant par les propres llaneros [habitants des llanos] qui ratissent sans contrôle pour l’extraction agropècuaire ». Les compagnies pétrolières sont aussi dans le collimateur des défenseurs de l’environnement pour leur exploitation des bassins hydriques et la contamination que leurs activités induisent sur l’écosystème.

« Ils n’ont pas prêté attention aux capybaras, caïmans qui peuplent les Llanos, ils ne prennent pas la peine de préserver les points d’eau pour les animaux en été. C’est le paradoxe de ces entreprises qui dépensent des milliards en versant de l’eau sur les chemins de terre pour les camions, les semi-remorques afin qu’ils circulent sans lever des tempêtes de poussière, mais ils n’ont jamais investi dans ces points d’eau », a-t-il ajouté.

colombie24032014-3Le secrétaire à l’Agriculture du Casanare, Alexi Yesid Duarte, a affirmé de son côté que la situation est très grave et que les animaux se livrent un véritable combat pour un peu d’eau. Par ailleurs, la situation est d’autant plus complexe que les carcasses d’animaux morts polluent les ressources hydriques restantes. Le fonctionnaire a donc appelé les industries pétrolières de la région à se joindre au plan d’urgence qui sera élaboré par les autorités départementales pour tenter d’apporter des solutions concrètes. Dans la même optique, le secrétaire Duarte a signalé qu’il fallait multiplier les abreuvoirs sur zone.

Dans la région, la saison des pluies devrait normalement débuter en avril, des précipitations salvatrices que beaucoup espèrent, dont les éleveurs de bétail fortement touchés par le désastre.

(Aline Timbert)

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