Bien avant que les Égyptiens ne s’adonnent à la momification de leurs morts, une civilisation précolombienne d’Amérique du Sud dont on connait encore à ce jour peu de choses, avait déjà recours à cette pratique pour préserver les défunts, les premières momies au monde ont en effet été découvertes au Chili. Les momies les plus anciennes au monde ont été élaborées par des pêcheurs et cueilleurs-chasseurs, et aujourd’hui ces vestiges témoignent d’une connaissance approfondie de l’anatomie humaine. Ces hommes et femmes ont laissé une empreinte aujourd’hui connue comme la culture Chinchorro.
En 2005, les archéologues de l’Université de Tarapacá ont mis au jour 50 nouvelles momies Chinchorro, la première découverte dans le secteur de Morro de Arica (à 2051 kilomètres au nord de Santiago) a eu lieu en 1983. Les premières momies Chinchorro ont été découvertes en 1917.
En décembre 2016, le Musée national d’histoire naturelle du Chili (MNHN) a subi 15 momies Chinchorro (principalement des enfants et des bébés) de sa collection à des tests de tomodensitométrie, un moyen d’étudier certaines des caractéristiques restées jusque-là inaccessibles aux chercheurs, comme l’âge auquel les individus sont morts, s’ils souffraient de maladies, mais aussi la façon dont ils ont été momifiés.
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L’une des hypothèses défendues pour expliquer le recours à la momification de cette civilisation serait l’arsenic présent naturellement sur les terrains volcaniques de la vallée de Camarones, dans le nord du Chili, zone où ont été retrouvées les premières momies au début du siècle dernier. L’arsenic endémique aurait été responsable d’avortements spontanés, d’un faible poids des bébés à la de naissance ou de naissances prématurées, des facteurs favorisant une mortalité infantile élevée. Une théorie que tous les chercheurs ne partagent pas, mais une chose est certaine, les premières momies sont celles d’enfants et de fœtus.
Le processus de numérisation permet d’avoir recours au procédé de réalité augmentée (afin de faire des reconstructions faciales), mais aussi d’effectuer des travaux d’impression 3D qui permettent aux scientifiques d’exposer les momies sans mettre en péril leur préservation.
Le scanner présente les momies dans un cadre de réalité augmentée afin de procéder à une reconstruction faciale, un procédé permettant de découvrir pour la première fois à quoi ressemblaient les ancêtres des Chiliens.
Le scanner a fourni aux chercheurs une surprise: la plus petite momie était en fait une figurine, le matériau en question ne possédait pas « de structure osseuse », « une simple figurine qui pourrait être une représentation d’un individu ne pouvant pas être momifié », a affirmé Verónica Silva, chercheuse du département d’anthropologie du Musée national d’histoire naturelle au Chili en charge du projet.
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L’objectif est de mettre en lumière une civilisation et sa vision du monde, en particulier le lien que ces anciens habitants entretenaient avec la mort, avec une meilleure compréhension de leur culte mortuaire empreint d’énigmes.
Ces pêcheurs et chasseurs ont peuplé la côte du désert d’Atacama, zone entre le sud du Pérou et de la ville chilienne d’Antofagasta, les momies Chinchorro datent d’environ 7400 ans (2000 ans avant les premières momies égyptiennes).
La momification des morts avait lieu artificiellement avec un traitement complexe consistant à démembrer et à reconstruire les corps, un processus que les scientifiques tentent de comprendre.
Avec une connaissance approfondie de l’anatomie humaine, les chinchorros ont mis au point un système complexe consistant à enlever la peau et les muscles, jusqu’à laisser seulement le squelette avant de le renforcer avec du bois et des fibres végétales. Une couche d’argile était par la suite utilisée pour donner une forme au corps, la tête était ornée d’un masque, et des cheveux étaient déposés soit avec des perruques de cheveux naturels ou en ayant recours à un mélange de fibres d’animaux, des explications données par Verónica Silva, conservatrice de la zone d’anthropologie du Musée national d’histoire naturelle à Santiago.
Fières de cette rareté archéologique, les autorités chiliennes œuvrent afin que ces momies soient inscrites sur la liste du Patrimoine de l’Humanité de l’UNESCO, il s’agit de 300 momies mises au jour par des scientifiques qui étaient dispersés le long de la côte sud du Pérou au nord du Chili, une reconnaissance internationale souhaitée par le pays sud-américain avide de protéger et de valoriser un patrimoine d’exception.
Nuestra antropóloga física Verónica Silva y su trabajo en la colección chinchorro y egipcia https://t.co/Kt0Xou2Kf3 pic.twitter.com/5bOyYM3b5N
— Museo Nacional de Historia Natural (@MNHNcl) September 16, 2016
« Les momies proviennent d’une société primitive de chasseurs-cueilleurs qui ont survécu au désert le plus aride du monde et ont momifié leurs morts durant plus de 3500 ans », a déclaré Sergio Medina del’Université de Tarapacá.
Le chercheur a ajouté qu’une déclaration au patrimoine mondial de l’UNESCO offrirait un outil de conservation, ce qui permettrait de conclure un long processus de recherche.
Les scientifiques ont distingué différentes formes de momification, comme l’a souligné l’anthropologue et chercheur Bernardo Arriaza dans différentes études. Les Chinchorro ont mis sur pied différents styles de momification au fil du temps : momies noires, rouges avec une patine en argile.
On estime qu’entre 1880 et 1500 avant Jésus-Christ, la culture Chinchorro a adopté la momification naturelle (rendue possible par les conditions climatiques), un procédé qui a perduré 380 ans. La momification artificielle aurait été pratiquée au moins pendant 4140 ans. On estime que sur les 208 corps momifiés Chinchorro identifiés dans différentes études, 61 d’entre elles sont des momies naturelles et 147 sont des momies artificielles (Arriaza, 1994). Les autorités espèrent créer des parcs archéologiques et stimuler le tourisme, car elles restent peu connues au niveau national et international.
En cas de succès auprès de l’UNESCO, les momies Chinchorro deviendraient le septième bien inscrit sur la liste du patrimoine de l’UNESCO Chilien, avec le Chemin de l’Inca (Qhapac NAN), la ville minière de Sewell, le parc national de Rapa Nui, le quartier historique de Valparaiso , les usines de salpêtre d’Humberstone et Santa Laura, et les Églises de Chiloé.