Pérou : La déforestation illégale menace toujours l’Amazonie

Le Pérou héberge une superficie de 680 000 km² de forêt (à titre de comparaison la superficie totale de l’Espagne est de 505 370 km²). La forêt péruvienne, écrin naturel situé en grande partie dans le bassin amazonien, est l’une des régions les plus riches en biodiversité au monde et pourrait jouer un rôle essentiel dans la lutte contre le changement climatique.

Malgré son écosystème unique, l’Amazonie péruvienne a perdu 156 000 hectares de forêt en 2017 et plus de 2,1 millions d’hectares depuis 2001, soit une moyenne de 125 000 hectares par an, un chiffre qui préoccupe les défenseurs de l’environnement.

Global Witness, ONG britannique spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles des pays en développement et la corruption politique qui l’accompagne, vient ainsi de révéler la persistance de l’exploitation forestière illégale au Pérou et s’inquiète des menaces qui pèsent sur ce qu’on appelle en espagnol « la selva »(forêt tropicale humide).

L’ONG a appelé le gouvernement péruvien, des donateurs tels que la Norvège et l’Allemagne et des importateurs de bois en provenance d’Amérique du Nord ou de Chine à intensifier leurs efforts pour protéger l’environnement amazonien trop fortement malmené.

https://twitter.com/mociccperu/status/1087758213305507841

L’analyse de Global Witness révèle également comment certaines des plus grandes scieries du pays sud-américain traitent de grandes quantités de bois illégal et comment les exploitants illégaux trouvent des moyens de plus en plus ingénieux et malhonnêtes pour détruire l’Amazonie en exploitant les ressources naturelles protégées à des fins lucratives tout en échappant aux mécanismes de responsabilité de l’OSINFOR (Agence de surveillance des ressources forestières et de la faune sylvestre).

Le rapport intitulé en espagnol « El justiciero forestal » (« Le gardien de la forêt ») rappelle que le potentiel de vente de ce trafic illégal est considérable (rapport complet de l’ONG en question disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.globalwitness.org/en/campaigns/forests/el-justiciero-forestal/

L’ONG a souligné le rôle fondamental que pourraient jouer les bailleurs de fonds dans le secteur forestier péruvien, tels que les États-Unis, la Norvège et l’Allemagne afin de garantir le rétablissement de l’indépendance de cet organisme et l’expansion de ses pouvoirs de manière à ce qu’il puisse fonctionner de manière autonome et efficace et faire ainsi en sorte que le Pérou puisse respecter ses engagements en matière de protection des forêts.

https://twitter.com/Global_Witness/status/1085794599782830080

L’indépendance et la dotation économique de cet organisme, clé de voûte concernant la documentation sur l’exploitation forestière illégale « sont fondamentales pour pouvoir agir efficacement et contribuer à enrayer le flux de bois illégal provenant du Pérou », indique le nouveau rapport.

La publication de ce rapport intervient à un moment où l’indépendance de l’OSINFOR s’est considérablement affaiblie, selon Global Witness. L’exécutif péruvien a décidé que l’OSINFOR devait être rattaché au ministère de l’Environnement et non à la présidence du Conseil des ministres (PCM), alors que précédemment son président était désigné par nomination directe et non par concours public.

En décembre dernier, Máximo Salazar, président du conseil d’administration d’OSINFOR, a annoncé sa démission pour désaccord avec la décision de lier l’entité au ministère susmentionné jugeant que cela limitait l’indépendance de l’agence de contrôle.

Les derniers chiffres publiés par l’ONG révèlent qu’au cours de la dernière décennie, plus de 60% du bois inspecté par l’OSINFOR dans les deux principales régions productrices du Pérou provenait de régions où de nombreuses actions illégales ont été commises.


Global Witness tire la sonnette d’alarme sur le trafic illégal de bois

Global Witness estime que plus de 130 000 arbres ont été coupés illégalement entre 2008 et 2018 (une valeur marchande représentant 112 millions de dollars), et ont été commercialisés sur le marché péruvien comme si leur abattage était légal et réglementé.

Les régions du Loreto et Ucayali sont les régions les plus impactées par l’abattage clandestin et par conséquent ces régions arrivent en tête sur le marché de la vente de bois.

Compte tenu de ce scénario, le rapport contient des recommandations.« 2019 est une année critique pour l’Amazonie péruvienne. Il est absolument essentiel que l’indépendance soit rendue à l’OSINFOR, que ses pouvoirs soient étendus et que son budget soit augmenté de manière appropriée pour lui permettre de faire face aux nouvelles formes de ‘blanchiment’ du bois illégal », a déclaré Laura Furones, une des auteurs du rapport.

« Personne n’a joué un rôle plus important que l’OSINFOR dans la révélation de ce qui se passe réellement dans le secteur du bois au Pérou. Sans cela, nous serions effectivement aveugles. Certaines de leurs inspections sont vraiment héroïques. L’affaiblissement de l’indépendance de l’OSINFOR compromet tout le bon travail qu’elle a accompli », a ajouté Laura Furones.

Global Witness évoque comme subterfuges (permettant de légaliser la provenance du bois) l’utilisation de nouveaux types de zones de récolte que l’OSINFOR ne peut sanctionner, la falsification de l’emplacement des arbres dans des documents officiels ou encore la coupe d’arbres dans des zones destinées aux communautés locales comme les populations autochtones.

« Il existe un climat d’impunité qui permet à cette activité de se poursuivre sans entrave et le potentiel de vente de ce commerce illégal est important », a déclaré l’organisation, soulignant le rôle fondamental que les donateurs pourraient jouer pour garantir l’indépendance de l’OSINFOR. Global Witness dénonce également la corruption sous fonds d’accords illégaux passés entre les exploitants forestiers et les gouvernements régionaux responsables de la délivrance de documents dans lesquels des informations sont falsifiées.

À cet égard, l’ONG a lancé un appel aux gouvernements des États-Unis, de la Chine et de l’Union européenne (UE), principaux importateurs de bois péruvien, afin que le Pérou respecte ses engagements en matière de commerce équitable et d’avantages juridiques.

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