Le jaguar, stature imposante et regard perçant. Avec sa démarche majestueuse, il est le roi incontesté du bassin amazonien. Il suscite dès lors autant la crainte que l’admiration…
Le jaguar menacé de disparaître au fur et à mesure que son habitat est détruit
Le jaguar avec son pelage caractéristique s’impose comme un félin puissant et emblématique du continent latino-américain. Il peuple de préférence les zones humides tropicales, la forêt est son terrain de jeu.
Mais, malgré son physique de prédateur habile à la mâchoire robuste, sa survie est menacée par la disparition progressive de son habitat naturel. En effet, une déforestation engendrée par les activités humaines incontrôlées (expansion des activités agricoles et d’élevage, exploitation du bois, extractivisme…) est une épée de Damoclès qui plane constamment sur la biodiversité.
Des chercheurs, alertés par cette dégradation environnementale préoccupante pour la faune, ont mené une longue expérience scientifique. Ainsi, ils ont constaté que les aires naturelles protégées et les territoires indigènes représentent des lieux favorables à la protection de la vie sauvage. En effet, ces territoires sont propices à la préservation du jaguar.
Ce félin a besoin de vastes espaces pour chasser et donc pour survivre. Or, la réduction de son habitat naturel pèse sur sa pérennité.
Le jaguar scruté par le WWF qui a dévoilé une étude d’envergure sur sa population
Des scientifiques du WWF ( Fonds mondial pour la nature) en Colombie, en Équateur et au Pérou, en collaboration étroite avec des chercheurs locaux et des communautés indigènes, ont mené un vaste travail pour répertorier la population de jaguars dans un secteur frontalier situé en Amazonie.
Il faut savoir que le bassin amazonien abrite 90% de ces derniers.
Pour la première fois, ce rapport s’intéresse à la démographie des jaguars au sein du parc national de Gueppi Sekime sur le territoire péruvien et les zones protégées de Colombie et de l’Équateur (Cuyabeno Wildlife Reserve et Predio Putumayo Indigenous Reserve).
Cette investigation a été effectuée pendant deux ans et les conclusions ont été dévoilées dans la revue Science Direct. L’objectif est de définir des stratégies de conservation pour cette espèce vulnérable si caractéristique de la selva.
Deux années d’observation des jaguars sur la zone du corridor Napo-Putumayo
Pour parvenir à leurs fins, les scientifiques ont placé des pièges photographiques afin d’évaluer le nombre de jaguars sur différentes zones :
- le couloir Napo-Putumayo (Réserve de la production de faune Cuyabeno (Équateur) ;
- le Parc national Gueppi-Sekime (Pérou) ;
- et le dans le territoire indigène Preduma Putumayo (Colombie).
64 700 photos ont été prises sur une superficie de 540 km². Ainsi, le recensement des jaguars s’est fondé sur les particularités de chaque spécimen, des taches sur leur fourrure appelées « rosettes » propres à chaque individu. Une singularité qui permet une identification fiable et donc une estimation précise du nombre de représentants.
De ce recensement méticuleux, le constat suivant a été effectué :
«Afin de maintenir des populations viables d’espèces nécessitant un territoire important, comme c’est le cas pour le jaguar, le WWF encourage le maintien des corridors biologiques, car leur conservation est liée à la connectivité des milieux, ce qui assure l’échange génétique entre les différentes populations de jaguars à travers l’Amazonie. Pour le jaguar, le couloir Napo-Putumayo est d’une grande importance, car il démontre l’énorme valeur de cette zone, constituée d’aires protégées et de terres indigènes, comme barrière à l’une des plus grandes menaces en Amazonie: la déforestation », des propos éloquents tenus par Vania Tejeda, responsable de la biodiversité du WWF-Pérou.
D’ailleurs, le jaguar est considéré comme un indicateur de l’état de préservation de la forêt tropicale. Une zone écologique vigoureuse se définit, entre autres, par des populations de jaguars en bonne santé et des proies dont il peut se nourrir. Il faut également ajouter que le jaguar est une espèce parapluie, car sa conservation assure celle des autres espèces avec lesquelles il cohabite.
2000 jaguars recensés dans un corridor naturel entre le Pérou, la Colombie et l’Equateur
À l’occasion de cette étude ambitieuse, 34 populations de jaguars ont pu être identifiées. Environ 2000 individus peuplent cette zone frontalière entre le Pérou, la Colombie, et l’Équateur. Un lieu privilégié favorable à la préservation de cet animal sauvage de toute beauté.
José Luis Mena, chef du département de zoologie du Musée d’histoire naturelle de l’Université Ricardo Palma au Pérou, est l’un des scientifiques à la tête de cette étude débutée en 2017. De fait, il évoque la biodiversité salvatrice qui compose le méga-paysage Napo-Putumayo, à savoir des parcs nationaux ou encore réserves indigènes.
Ce corridor, selon l’étude, devrait être conçu comme une unité de conservation du jaguar (UCJ). C’est ainsi qu’il a été dénommé dès 2002 par le scientifique Eric Sanderson, un terme depuis usité comme référence par les communautés académiques qui étudient ce félin.
Les zones naturelles protégées, des espaces cruciaux pour cette espèce
« Nous avons besoin de couloirs transnationaux », peut-on lire dans ce rapport scientifique « non seulement pour le jaguar, mais pour des espèces telles que le tapir des montagnes, et pour cela, nous encourageons la coordination avec d’autres pays comme l’Équateur et la Colombie ».
L’étude du WWF affirme aussi :
« Les paysages de conservation transfrontaliers qui incluent des zones protégées et des terres indigènes avec des systèmes de production durables témoignent qu’il est possible de maintenir une forteresse dans cette partie de l’Amazonie pour les vertébrés (comme) le jaguar, qui traverse les frontières géopolitiques. Nos résultats indiquent qu’ heureusement, cette partie du nord-ouest de l’Amazonie n’a pas encore été substantiellement modifiée par les activités humaines ».
De ces conclusions naît une lueur d’espoir, celle de voir des populations de jaguars évoluer dans cette partie encore préservée de l’Amazonie au cours des prochaines décennies. Toutefois, pour cela, il faudra que la protection environnementale soit une priorité pour ces pays d’Amérique du Sud abritant un patrimoine naturel d’exception.