L’ancienne présidente du Chili, Michelle Bachelet, a triomphé hier, lors du second tour des élections présidentielles qui l’opposait à la candidate Evelyn Matthei. Elle a remporté 62,26 % des suffrages contre 37,73 % pour sa rivale de la formation Alliance après le dépouillement de près de 93 % des bulletins de vote.
La socialiste fait donc son retour à la Moneda, le siège de la présidence du Chili, où elle avait déjà exercé les plus hautes fonctions de l’État entre 2006 et 2010. Elle n’avait pas pu se représenter puisque la Constitution interdit de briguer deux mandats consécutifs, mais l’ex-chef de l’État a été officiellement intronisée comme candidate des partis de gauche, « Nouvelle majorité », en avril 2013 pour remporter la présidentielle de cette fin d’année. Un pari qu’elle a relevé haut la main en remportant dès le premier tour, dimanche 17 novembre, 46,75 % des suffrages.
Des élections qui ont toutefois été marquées par une forte abstention, hier 15 décembre, près de 58 % des électeurs ne se sont pas rendus aux urnes, sur les 13,5 millions d’électeurs potentiels, seuls 5,7 millions d’entre eux ont accompli leur devoir civique, 1 million de moins que durant le premier tour, des chiffres révélés par le Service électoral du Chili. Les deux candidates ont pourtant tout fait pour motiver les Chiliens à se rendre dans les bureaux de vote, les chiffres prouvent pourtant que leur consigne n’a pas été suivie par la population. Michelle Bachelet n’est pas parvenue à dépasser les résultats obtenus par le président sortant, Sebastián Piñera, qui en 2010 avait réuni 3,6 millions de suffrages, cette dernière ayant réuni 3,5 millions de votes.
Des élections marquées par un fort taux d’abstention
Ces élections ont été marquées par une grande nouveauté, car jusqu’à présent, le vote était obligatoire au Chili, d’ailleurs Michelle Bachelet a déclaré que « dans tous les pays où le vote est volontaire, l’abstention est importante » et a souligné que cela ne remettait pas en question la légitimité du dirigeant élu. Le président sortant de droite, Sebastián Piñera, a de son côté affirmé au sujet du taux d’abstention « cela ne nous satisfait pas. Plus la participation est forte, plus forte et vitale est notre démocratie ». Lors de son discours final, la nouvelle présidente de la République a également fait allusion « à la méfiance et à la frustration » éprouvées par les Chiliens à l’égard des politiques « le principal c’est de nous astreindre à une grande tache, nous devons faire en sorte que les Chiliens et Chiliennes croient à nouveau, non pas en moi ou encore dans un parti ou un groupe politique. Nous devons œuvrer pour qu’ils croient en la démocratie et en ses objectifs, qu’ils croient dans les institutions, dans la force du vote, dans la justice et dans nos lois ».
Lors de ce tour présidentiel, la droite a enregistré la défaite la plus importante depuis le retour à la démocratie en 1988, Michelle Bachelet a remporté les élections dans toutes les régions du pays et dans 12 d’entre elles, elle a même obtenu un score supérieur à 60 %, le record précédent remonte en 1964 avec l’ancien président Eduardo Frei Montalva.
Plusieurs présidents latino-américains ont tenu à saluer la victoire de la présidente chilienne dès la promulgation des résultats parmi lesquels la présidente d’Argentine, et les chefs de l’État du Venezuela, du Pérou ou encore du Mexique.
La première à s’être exprimé est la mandataire argentine, Cristina Fernández de Kirchner, qui a téléphoné à la présidente élue peu de temps après l’annonce officielle de sa victoire. Le chef de l’État du Venezuela, Nicolás Maduro, a lui aussi félicité Michelle Bachelet pour son retour à la présidence « le président de la République bolivarienne du Venezuela , Nicolás Maduro, et le peuple vénézuélien félicitent la présidente Bachelet et le peuple chilien pour son triomphe électoral obtenu ce jour », un communiqué publié par l’agence d’État vénézuélienne, AVN.
Pour sa part, le président péruvien, Ollanta Humala, a exprimé sa volonté « de travailler de façon conjointe dans des rapports de respect mutuel, d’amitié, d’intégration et de coopération », tandis que le chef de l’État mexicain, Enrique Peña Nieto, a publié le message suivant sur son compte officiel Twitter « le Chili est le partenaire stratégique du Mexique en Amérique latine et dans la zone caraïbe ».
Les messages de félicitations ne font que se multiplier depuis l’annonce officielle des résultats, le ministre des affaires étrangères français, Laurent Fabius, a affirmé lundi 16 décembre « je salue très chaleureusement la victoire remportée par Mme Bachelet aux élections présidentielles chiliennes, dont l’ampleur témoigne de la confiance que lui portent ses concitoyens.Je la félicite vivement et lui exprime mes vœux de succès pour le projet qu’elle s’est donné de répondre aux aspirations du peuple chilien par des réformes qui permettent à tous de bénéficier des fruits de la prospérité ».
Michelle Bachelet souhaite s’attaquer à de grandes thématiques : IVG, mariage gay, réforme éducative…
Michelle Bachelet du parti Nouvelle Majorité (démocrates-chrétiens, divers courants socialistes, et parti communiste compris), a déclaré lors de son discours qui a suivi les résultats électoraux qu’une « nouvelle étape s’ouvrait dans le pays ».
« Nous entrons dans une nouvelle ère, et nous le faisons en reconnaissant le travail effectué par chaque génération et par chaque gouvernement démocratique qui ont rendu possible le développement du Chili », a-t-elle affirmé ajoutant « Nous avons fait beaucoup , nous avons construit un pays, nous pouvons être fiers , avec une économie saine, une démocratie stable, une société et une citoyenneté alerte et consciente de ses droits ».
Elle a poursuivi en affirmant « Aujourd’hui, nous devons nous fixer un défi plus grand. Nous nous sommes fixé une nouvelle destinée et je suis au service de cette destinée », elle a aussi bien évidemment tenu à remercier le peuple chilien pour sa victoire « Merci de me faire prendre part à cette histoire ».
La candidate de l’opposition, Evelyn Matthei, a très vite reconnu sa défaite en affirmant que c’était « son entière responsabilité » et a manifesté son soutien à la nouvelle présidente de la république chilienne « mon souhait profond et sincère est que tout se passe très bien. Toute personne qui aime sincèrement le Chili ne peut pas désirer autre chose ».
Parmi les grands objectifs du nouveau chef de l’État, la lutte contre les inégalités sociales, la réforme du système éducatif (en instaurant un enseignement universitaire gratuit et de qualité) et fiscal (une plus grande taxation des entreprises). Elle a également promis de veiller à la protection de l’environnement et de réformer la Constitution léguée par le dictateur Augusto Pinochet (1973-1990) qui empêche la participation nationale des partis minoritaires. Michelle Bachelet envisage également de dépénaliser le recours à l’avortement dans certains cas (en cas de viol ou de risques pour la mère ou l’enfant à naître), à ce jour pas même l’avortement thérapeutique est autorisé sur le territoire. Enfin, elle aimerait également lancer le débat autour des mariages homosexuels sans oublier la résolution du conflit Mapuche.
De grandes ambitions pour Michelle Bachelet qui compte guider le pays vers le renouveau.
(Aline Timbert)