C’est sans réelle surprise que le candidat de centre-gauche du parti action citoyenne (Partido Acción Ciudadana ou PAC), Luis Guillermo Solís, a remporté les élections présidentielles au Costa Rica avec 77,69 % des suffrages. Il succède ainsi à la présidente de la République en place, Laura Chinchilla, le candidat du parti au pouvoir (Parti Libération nationale ou PLN), Johnny Araya, a remporté quant à lui 22,12 % des suffrages soit environ 357 496 bulletins de vote contre 1 029 409 pour son adversaire.
Le président du Tribunal suprême électoral, Luis Antonio Sobrado, a signalé que 94 % des bulletins ont été dépouillés et que l’abstention a été de 43,16% au second tour contre 31% au premier. Il faut dire que le contexte électoral en ce dimanche 6 avril était plus que particulier. En effet, entre les deux tours, le candidat Johnny Araya avait tout simplement annoncé qu’il se retirait (le 5 mars) de la bataille électorale affirmant qu’il n’avait aucune chance de remporter la partie au vu des intentions de vote. Cependant, comme la Constitution interdit le désistement d’un candidat, il a été contraint de se présenter au second tour malgré son choix d’abandonner la course vers un mandat présidentiel. Autant dire que les jeux étaient faits depuis un mois maintenant même si les bulletins de vote au nom du candidat Araya étaient mis à disposition hier dans les bureaux.
Le candidat Solís avait appelé les électeurs à se déplacer en masse dans les bureaux de vote afin de donner une impulsion aux changements et avait fixé pour objectif d’atteindre 1 million de votants. Ce dernier a fait de la lutte contre les inégalités son leitmotiv durant la campagne ainsi que la lutte contre la corruption. En 2005, celui qui a été élu le nouveau chef de l’état de cette nation d’Amérique centrale, avait abandonné le PLN (après 30 ans de militantisme) pour rejoindre le PAC en affirmant que le parti social-démocrate prônait un virage à droite en imposant un modèle néolibéral mettant à mal les piliers sociaux du pays, à savoir l’éducation et la santé qui faisaient jusque-là la fierté des Costariciens.
Un second tour sans saveur pour les électeurs
Dimanche, les électeurs du Costa Rica se sont rendus aux urnes à partir de 6 h (heure locale) jusqu’à 18 h (heure locale), ce second tour avait été rendu possible en raison du ballottage entre les deux candidats puisqu’aucun d’entre eux n’avait atteint les 40 % nécessaires pour passer le premier tour. Ce sont 3,1 millions d’électeurs qui ont été appelés à élire le nouveau président de la République dans les 5000 bureaux de vote mis à disposition par le Tribunal suprême électoral. Des observateurs internationaux ont été dépêchés sur place pour veiller au bon déroulement du scrutin, et c’est dans le calme que les électeurs ont déposé leur bulletin dans l’urne.
Le vainqueur de ce suffrage, historien, universitaire, mais aussi diplomate de 55 ans, s’est rendu après l’annonce de sa victoire sur la place de football du quartier Roosevelt ou face à des milliers de partisans il a célébré sa victoire en affirmant que les résultats « représentaient pour lui un énorme engagement ». Son rival Araya a reconnu sa défaite et a félicité le nouveau président de la République élu. Il a déclaré :
« C’est avec humilité que nous reconnaissons cette volonté claire et sans appel du peuple du Costa Rica, cela confirme encore une fois une règle non écrite dans la politique costaricienne qui fait en sorte qu’aucun parti politique ne gagne les élections trois fois de suite » ajoutant « je ne souhaite pas, en aucune façon, que notre parti commette l’erreur qu’ont pu commettre les autres partis de l’opposition, à savoir que, dès les premiers jours du nouveau gouvernement il s’agit de faire échouer ce même gouvernement, nous ne voulons pas agir ainsi. Nous souhaitons agir avec responsabilité, l’échec du gouvernement serait l’échec du pays ».
« Il est légitime de dire qu’un gouvernement issu d’une élection étriquée, avec une forte abstention, aura un mandat beaucoup plus limité qu’un gouvernement désigné après une élection solide, massive », a affirmé de son côté le nouveau chef de l’état pour les 4 prochaines années conscient de l’originalité de ce scrutin.
L’élection de Luis Guillermo Solís met fin au bipartisme qui persistait au Costa Rica depuis 1982 entre le PLN et le PUSC (Partido Unidad Social Cristiana), ce dernier étant fortement entaché par des scandales de corruption. Après deux mandats du PLN incarnés par Óscar Arias (2006-2010) et Laura Chinchilla (2010-2014), la population a souhaité donner une nouvelle orientation politique au pays.
Une percée du PAC qui avait créé une belle surprise lors du premier tour, car à quelques semaines du scrutin, Luis Guillermo Solís arrivait, selon les sondages, en quatrième position dans les intentions de vote. « Il y a un réel désir de changement et je crois que Solís a été capable de l’incarner », a affirmé Michael Shifter, président du centre Interaméricain Dialogue. « Il est en train de secouer la classe politique traditionnelle au Costa Rica », a-t-il affirmé.
Luis Guillermo Solís aura fort à faire dans un pays où 20 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Il sera investi dans ses nouvelles fonctions le 8 mai.
(Aline Timbert)