En Colombie, un jeune touriste britannique de 19 ans, prénommé Henry Miller, est malheureusement décédé, mercredi dernier, après avoir participé à un rituel chamanique. En effet, le jeune homme a consommé, à cette occasion, une boisson à base de végétaux hallucinogènes appelée par les natifs, ayahuasca ou encore yagé. Cette plante, riche en alcaloïdes, connue des indigènes, est utilisée en infusion durant les célébrations rituelles afin d’entrer en communication avec les esprits de la forêt et les esprits de ceux qui ont quitté ce monde…
Le touriste a donc pris part à ce rituel avec un groupe de visiteurs étrangers au cœur de la forêt, mais après avoir bu ce fameux breuvage amer (très souvent à l’origine de nausées et vomissements), il s’est senti mal et a fini par succomber. Les autorités pensent qu’il est décédé sur le chemin de l’hôpital, son corps ayant été retrouvé sur une route. Selon toute vraisemblance, des indigènes ont tenté de le conduire jusqu’au centre de santé le plus proche, mais voyant que celui-ci a perdu la vie durant le trajet, ils ont pris peur et ont abandonné son corps.
La cérémonie a eu lieu dans le département amazonien de Putumayo, au sud de la Colombie, il est bordé à l’ouest par le département de Nariño, au nord par ceux de Cauca et Caquetá, à l’est par celui d’Amazonas, et au sud par le Pérou et l’Équateur.
Ce sont les populations de la « selva amazonica » qui pratiquent de façon séculaire le rituel de l’ayahuasca, une plante hallucinogène utilisée en médecine traditionnelle, le chaman appelé « taita » prépare la boisson censée ouvrir la porte d’un autre monde : modifications de la perception, amplifications des perceptions auditives et visuelles, hallucinations incluant des visions multicolores en mouvement, épisodes de « rêves »…
L’enquêteur chargé d’élucider les causes de la mort du jeune homme, le colonel Ricardo Suárez, a confirmé aux médias que le corps d’Henry Miller a été retrouvé sans vie dans la ville de Mocoa, capitale du département de Putumayo, située à environ 475 km au sud-ouest de la capitale du pays, Bogotá.
« La police judiciaire a procédé à la levée du corps et est parvenue à établir l’identité de ce jeune homme de nationalité britannique qui, la veille, avait été conduit par un chauffeur de taxi à une communauté indigène afin de participer à une pratique ou à un rituel de consommation de yagé », a-t-il déclaré.
Il a également précisé qu’il était désormais courant que des groupes de visiteurs étrangers participent à ces pratiques afin d’expérimenter « les effets que cette boisson produit, en majorité des hallucinations ». En Colombie ce sont essentiellement les départements de Putumayo et Amazonas qui sont concernés par cette pratique rituelle. Il a affirmé que « le jeune homme a participé à ce rituel et, et ensuite, d’après les premières investigations, son état de santé s’est compliqué ». La victime aurait alors été conduite à motocyclette vers l’hôpital de Mocoa par deux jeunes membres de la communauté, mais c’est alors que son état de santé s’est rapidement dégradé et qu’il est décédé « tout semble indiquer que les deux jeunes ont été effrayés et l’ont laissé ainsi au bord de la route ».
Jusqu’alors les autorités ignorent encore à quelle date le Britannique a fait son entrée sur le territoire colombien, mais des informations permettent de savoir qu’il a fait son arrivée à Mocoa après être passé dans la municipalité de San Agustín où il a visité le célèbre parc archéologique.
Les autorités interrogent particulièrement trois personnes en qualité de témoins, lors de la cérémonie rituelle à laquelle a participé la jeune victime il y aurait eu également des citoyens italiens, allemands et français.
Antonio Avila, médecin légiste de Mocoa, a informé par téléphone que le corps du citoyen Miller a subi une autopsie le 24 avril et qu’il ne présentait aucune trace de violence. Les causes de la mort sont probablement liées à une réaction à cette infusion psychotrope.
En Amazonie, les chamans proposent « une purification de l’âme » aux étrangers, or l’utilisation de l’ayahuasca n’est pas sans conséquence. Outre les effets mêmes de la substance, elle peut s’avérer dangereuse, car elle place les personnes qui la consomment sous influence et elles peuvent alors devenir victimes d’agressions, de vols, ou encore de viols. Cependant, nombreux sont les touristes qui souhaitent participer à un rite indigène sans penser aux suites.
La famille de la victime s’est exprimée et a décrit Henry Miller « comme un jeune homme aventurier » voyageant énormément et qui avait prévu d’intégrer l’université au mois de septembre. Son frère le décrit comme une personne « polie , populaire avec un grand sens de l’humour et qui était très aimée par sa famille et ses nombreux amis ». Selon les premiers rapports, il aurait déboursé 50 $ pour vivre cette expérience au sein de la communauté indigène.
Ses parents ont publié le communiqué suivant « Ces dernières 48 heures, nous avons reçu une nouvelle d’une tristesse extrême, notre fils Henri est mort pendant son voyage en Colombie. Nous savons qu’il a pris part à un rituel tribal local. Le rituel implique une boisson faite à partir d’infusion de plantes locales. Nous attendons plus d’informations du bureau des Affaires étrangères, mais il est probable qu’une réaction à cette boisson soit la cause de son décès. »
Utilisée depuis des siècles par les chamans amazoniens, l’ayahuasca vise à atteindre un état de transe permettant d’entrer en contact avec les esprits de la forêt et celui des morts, cette substance extraite d’une liane hallucinogène fait l’objet d’un engouement certain de la part de touristes avides d’expériences inédites et exotiques. Mais la consommation de cette plante n’est pas sans conséquence, au-delà de l’impact psychologique qu’elle induit, elle peut être à l’origine d’hypertension entraînant un malaise cardiaque, il ne faut donc pas considérer sa consommation comme anodine. La triste expérience du jeune Henry Miller rappelle que les non-initiés ne doivent pas s’aventurer dans des pratiques hasardeuses qu’ils ne contrôlent pas.
Andrés Rueda Latiff, psychologue et expert dans l’abus de substances a, quant à lui, déclaré contre l’avis de médecins occidentaux « que le yagé n’est pas nuisible, à partir du moment où il s’agit bien de yagé », ajoutant « ces dernières années, cette plante a été galvaudée, mais aussi sa culture et les gens qui sont aptes à l’utiliser et qui en ont une parfaite connaissance ».
Il est évident qu’un touriste, dans le doute, doit s’abstenir de consommer une boisson susceptible de mettre sa vie en danger, même si l’expérience peut sembler riche en sensations.
En France, l’ayahuasca est inscrit depuis 2005 (JO du 3 mai 2005, publication de l’arrêté du 20 avril modifiant l’arrêté du 22 février 1990) au registre des stupéfiants, que ce texte décrit comme une liane originaire d’Amérique latine ou comme une décoction.
(Aline Timbert)