Sebastian Piñera, candidat de l’Alliance pour le changement, a obtenu 52 % des suffrages, contre 48 % pour son adversaire démocrate-chrétien Eduardo Frei selon des résultats actualisés portant sur plus de 99 % du décompte. C’est la première fois que la droite remporte une élection au Chili depuis 1958 et cette victoire lui permet de retourner au pouvoir pour la première fois depuis 20 ans et la fin de la dictature militaire d’Augusto Pinochet (1973-1990).
Le nouveau président Sebastian Piñera, élu dimanche 17 janvier, est reconnu pour être un travailleur acharné. On l’appelle « la Locomotive ». A 61 ans, sa fortune est estimée à 1,2 milliard de dollars par la revue Forbes. Sa chance a été de se lancer dans les affaires pendant la dictature militaire du général Augusto Pinochet (1973-1990). A l’époque, en 1976, il rentre des Etats-Unis, où il a fait des études d’économie à Harvard.
Ancien fonctionnaire de la Banque mondiale et de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepalc), Sebastian Piñera a également occupé les fonctions de sénateur entre 1990 et 1998.
La première victoire de M. Piñera a été la mise en circulation sur le marché chilien des cartes de crédit, un marché dont il possède aujourd’hui 86 % des actions.
Il a effectué des investissement dans le domaine immobilier, mais aussi dans le secteur pharmaceutique et dans les systèmes privés de santé. Il est le principal actionnaire de la compagnie aérienne Lan Chile, privatisée durant la dictature militaire. Il est également le propriétaire du populaire club de football Colo Colo et possède sa propre chaîne de télévision Chile Vision.
Il a promis d’une façon évasive durant la campagne électorale de se décharger de quelques-unes de ses entreprises s’il était élu à la présidentielle. L’eventuelle interaction entre ses activités d’homme d’affaires et ses responsabilités politiques a par ailleurs été dénoncée par Eduardo Frei, qui a fait mention des scandales financiers qui ont émaillé la carrière de M. Piñera.
Il a été condamné, en 2007, à verser une amende de 670 000 dollars après avoir acheté des actions de Lan, un jour avant la publication par la compagnie d’aviation d’une hausse de 31 % de ses bénéfices qui avait fait croître la valeur de ses actions.
Une ancienne ministre de la justice de la dictature, Monica Madariaga, a reconnu avoir fait pression en juillet 2009 sur des juges pour que Sebastian Piñera ne soit pas traîné en justice pour des irrégularités financières commises dans les années 1980 par une banque, Banco de Talca, dont il était le géstionnaire.
Cette fraude s’élevant 240 millions de dollars serait la base même de la fortune de M. Piñera, selon ses détracteurs. Le nouveau président, qui occupera le pouvoir officiellement à partir du 1er mars, dénonce « une persécution politique ».
Les politologues justifient l’élection de M. Piñera par le désir d’alternance des Chiliens, déçus par la Concertation de centre gauche, au pouvoir depuis vingt ans, depuis le retour de la démocratie.
Une volonté de changement qui s’est exprimée par les 20 % de voix obtenues au premier tour par le jeune candidat indépendant Marco Enriquez-Ominami, dissident socialiste qui a durement critiqué la Concertation. « Sebastian Piñera est parvenu à incarner une droite qui ne fait plus peur », estime la sociologue Marta Lagos.
Toutefois, le principal point fort de Piñera est d’avoir su prendre ses distances par rapport à la droite traditionnelle qui a soutenu la dictature. Il a voté « non » au plébiscite de 1988 par lequel le général Pinochet avait essayé de se maintenir au pouvoir.
Il avait déjà joué les trublions au sein de la droite, en 2005, en devançant son rival de la très conservatrice Union démocrate indépendante (UDI), Joaquin Lavin, au premier tour de la présidentielle. Il avait perdu au second tour face à la socialiste Michelle Bachelet. Cependant, il faut noter que, M. Piñera accède au pouvoir grâce à son alliance avec l’UDI qui a soutenu le régime militaire.
Le nouveau président a promis d’obtenir un taux de croissance annuelle de 6 % au moyen d’avantages fiscaux et d’une réforme du droit du travail. Il s’est engagé à réduire l’insécurité, une préoccupation majeure pour les Chiliens.
La présidente sortante bénéficiait d’une popularité rare de près de 80 % dans l’opinion publique, grâce à un bilan économique, social et politique jugé positif par une grande majorité des Chiliens.
Michelle Bachelet ne pouvait se représenter aux élections en vertu d’une Constitution qui interdit de briguer un deuxième mandat présidentiel consécutif.
Son appui sans failles accordé à Eduardo Frei à trois jours du second tour de la présidentielle avait suscité la colère de Sebastian Pinera et du camp conservateur.
La présidente sortante a félicité Piñera pour sa victoire, tout en lui rapellant qu’il lui faudrait se montrer à la hauteur du bilan dont il hérite. Sebastian Piñera dispose maintenant de quatre ans pour faire ses preuves devant le peuple chilien.