Au Pérou, la surface de la forêt amazonienne s’étiole encore et toujours, les membres du Programme national de conservation des forêts pour l’atténuation des changements climatiques, organisme du ministère de l’Environnement (Minam), ont annoncé la perte de 23 000 hectares du poumon vert au cours du premier semestre de l’année 2018, 71 pour cent de cette déforestation a été enregistrée entre janvier et juin 2018, les zones les plus impactées sont les régions de Loreto, Madre de Dios, Ucayali et San Martin.
Loreto, le plus grand département du Pérou, a perdu environ 5 500 hectares de forêts, suivi de Madre de Dios, avec 4 300 hectares; Ucayali, avec environ 3 700 hectares; et San Martín, avec environ 3000 hectares.
#AmazoníaPeruana: Deforestación y acaparamiento de tierras a vista y paciencia de autoridades → https://t.co/5OxN6cfwhh | Vía @MongabayLatam pic.twitter.com/j38Nnn8tNZ
— Oxfam en Perú (@OxfamenPeru) September 11, 2017
À Madre de Dios, département situé à la frontière avec la Bolivie et le Brésil, des mineurs illégaux en quête d’or ont malmené l’écosystème entraînant la déforestation de 1 700 hectares au premier semestre 2018, une alerte émise par le MAAP (Andean Amazon Monitoring Project) en juillet, il s’agit de la région la plus impactée par l’orpaillage, une activité qui a des conséquences désastreuses sur l’environnement.
La principale cause de déforestation en Amazonie péruvienne reste néanmoins l’agriculture et l’élevage intensif, des activités humaines qui nécessitent l’abattage de zones forestières étendues pour permettre la mise en place de cultures à grande échelle telles que la culture du palmier à huile qui dégrade par ailleurs fortement la qualité des sols.
Cependant, l’exploitation forestière clandestine et l’exploitation minière illégale constituent également une menace importante pour les forêts péruviennes, en particulier l’activité des mineurs qui utilisent des métaux lourds fortement polluants tels que le mercure, ce dernier finit par se déverser dans les rivières, impactant les eaux avec des effets néfastes sur les écosystèmes locaux, une contamination qui a aussi des conséquences tragiques sur les communautés autochtones et leur santé.
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La déforestation a décidément bien du mal à être enrayée malgré les politiques environnementales défendues par le gouvernement péruvien, ainsi plus de 156 000 hectares de forêt ont disparu en Amazonie péruvienne en 2015, soit 11% de moins que la déforestation enregistrée en 2016, qui s’élevait à 177 000 hectares, en 2017 la déforestation a atteint 143 000 hectares ( l’équivalent de 200 000 terrains de football), 13% de moins que l’année précédente, le chiffre le plus encourageant de ces cinq dernières années, une lueur d’espoir dans un panorama bien sombre.
En effet, entre 2001 et 2015, l’Amazonie péruvienne a enregistré une perte de 1,8 million d’hectares de forêt tropicale humide, au cours des 14 dernières années, les régions les plus touchées par la perte de couvert forestier sont San Martín, avec 382 000 hectares; Loreto, avec 347 000 hectares; Ucayali, avec 298 000 hectares; et Madre de Dios, avec 145 000 hectares.
Les données ont été collectées par les ministères de l’Agriculture, de l’Irrigation et de l’Environnement, avec le soutien du bureau d’observation de l’Organisation du traité de coopération amazonienne (ACTO), et par l’Université du Maryland (États-Unis), le champ d’étude du projet couvre 69 millions d’hectares de forêts tropicales amazoniennes situées dans quinze régions.
Pour contrecarrer la perte de cette couverture végétale, plus de 155 000 arbres doivent être plantés cette année sur 140 hectares d’Amazonie péruvienne afin de récupérer des zones déboisées et dégradées par l’exploitation minière illégale, a annoncé le Fonds mondial pour la nature (WWF), l’une des organisations qui intègrent ce projet.
Drones monitorean la deforestación en la Amazonía peruana. https://t.co/AaePF0wlrf pic.twitter.com/9LnZ5Wf848
— elespectador (@elespectador) August 23, 2018
Le reboisement a lieu dans la municipalité d’Inambari et dans la province de Manu, située au Madre de Dios, limitrophe de la Bolivie et du Brésil, où 162 000 hectares de forêts amazoniennes ont été perdus au cours des 15 dernières années, selon le WWF.
Le projet nécessitera un investissement de 766 000 dollars US de la part du gouvernement et des municipalités ayant adhéré à l’initiative, qui associe des systèmes d’information géospatiaux modernes à des techniques de pointe en matière de foresterie et d’ingénierie environnementale.
Le ministère de l’Environnement s’est engagé à verser près de 306 000 dollars US à la municipalité provinciale de Manu afin de récupérer 60 hectares avec 66 000 arbres plantés en 2018, plusieurs communautés autochtones prennent part au projet de reverdissement telles que celles de San José de Karene, Puerto Luz et Shintuya.
De son côté, le ministère de l’Agriculture et de l’Irrigation (Minagri), par l’intermédiaire du Service national des forêts et de la faune sauvage (Serfor), s’est également engagé à financer les travaux de relèvement menés par la municipalité d’Inambari.
Les arbres proviennent d’une pépinière technique installée à Inambari pour augmenter la production d’arbres, jusqu’à 240 000 unités par an, contre 10 000 avec les méthodes traditionnelles.
« Grâce à cette initiative, nous voyons comment les sols qui avaient complètement perdu leur fertilité sont redevenus vivants. Désormais, la priorité est de continuer à reproduire cela dans d’autres régions d’Amazonie avec le soutien des gouvernements locaux et régionaux« , a affirmé la coordinatrice du WWF à Madre de Dios, Edith Condori.
Les prochains plans prévoient la mise en place de deux nouvelles pépinières techniques dans les localités de Salvación et de Boca Colorado, dans la province de Manu.
#MasonResearch @ESPMasonU's Thomas Lovejoy & Carlos Nobre of @IAPartnership & @WorldResources Brazil: Neg. synergies among deforestation, #climatechange & fire use show tipping point for Amazon sys. to flip to non-forest ecosystems at 20-25% deforestation. https://t.co/2VjO5jWZyP
— Mason Research (@MasonResearch) March 21, 2018
Selon deux biologistes renommés de la Fondation des Nations Unies, l’Amazonie est proche du point de « non-retour », un stade qui pourrait être atteint si la déforestation dépassait 20% de sa superficie d’origine.
Dans un éditorial publié par la revue spécialisée Science Advances, le chercheur américain Thomas Lovejoy et son homologue Brésilien, Carlos Nobre ont assuré que la déforestation de l’Amazonie a atteint environ 17% de sa végétation totale au cours de ces 50 dernières années, et qu’atteindre 20% pourrait être critique concernant l’impact climatique.
L’Amazonie produit environ la moitié de ses propres précipitations en recyclant l’humidité à mesure que l’air se déplace depuis l’Atlantique vers l’Amérique du Sud jusqu’à l’ouest.
Cette humidité est importante pour nourrir plus largement le cycle de l’eau sur Terre et affecte ainsi le bien-être humain, l’agriculture, les saisons sèches et le comportement de la pluie dans de nombreux pays d’Amérique du Sud, avertissent les experts.
Récemment, des facteurs tels que le changement climatique, la déforestation et l’incidence des feux de grande ampleur ont influencé le cycle naturel de l’eau dans cette région, ont ajouté les biologistes. Les études réalisées à ce jour indiquent que les interactions négatives entre ces facteurs signifient que le système amazonien deviendra une zone non forestière à l’est, au sud et au centre de l’Amazone si la déforestation atteint des niveaux qui affectent entre 20% et 25% de la région.
« Si le climat continue de changer, à cause de la déforestation ou du réchauffement global, il y a plus de 50 % de chances que la forêt amazonienne devienne une savane“, explique Carlos Nobre, prix Nobel en 2017.
We're about to reach an irreversible tipping point in the Amazon biome. Need to stop deforestation and degradation now. Op-ed by Thomas Lovejoy and Carlos Nobre in Science Advances.
Amazon Tipping Point https://t.co/33LV6Qe6Bs
— Avecita Chicchon (@avecitach) February 25, 2018
En fait, selon les experts, la sévérité des sécheresses de 2005, 2010 et 2015 pourrait représenter les premières lueurs de ce point d’inflexion écologique.
C’est pour ces raisons que Lovejoy et Nobre ont exigé dans leur article que la zone déboisée soit limitée à 20% de la surface d’origine pour ne pas freiner, pour ne pas dire, empêcher totalement la capacité régénératrice de cette région clé du monde.