Pérou : Les indigènes amazoniens se dotent d’un parti politique pour les prochaines présidentielles

Les indigènes évoluant en Amazonie péruvienne, qui l’année passée s’étaient violemment opposés au gouvernement d’Alan García pour la défense de leurs terres, ont décidé de créer leur propre parti politique et de choisir leur candidat afin de les représenter pour la prochaine élection présidentielle prévue en avril 2011.

La récente organisation politique s’appelle Alianza para la Alternativa de la Humanidad (Alliance pour une Alternative pour l’Humanité ou APHU) et sera présentée officiellement en septembre, lorsque la candidature à la présidence sera lancée, à la tête du parti et dans la course aux élections, on pourrait retrouver le leader indigène Alberto Pizango, qui a été à l’origine d’une révolte massive des natifs amazoniens en juin 2009.

« Si les peuples amazoniens me choisissent comme figure politique afin de les représenter, j’accepterai », a affirmé Pizango, président de la Asociación Interétnica de la Selva Peruana (Association inter-ethnique de la Forêt péruvienne ou Aidesep), l’organisme qui réunit le nombre le plus important d’ethnies indigènes du bassin amazonien au Pérou.

Lors d’une réunion avec la presse internationale, le principal dirigeant de la communauté des natifs a souligné que le parti APHU « a pour but de réunir tous les citoyens péruviens qui défendent les forêts, la Nature, la vie sur la planète Terre, et cherche aussi à réunir les exclus et les laissés-pour-compte du pays ». Le choix du sigle APHU n’est pas anodin, il cherche à intégrer le vocable « apu » qui en langue quechua signifie chef suprême.

Pizango, âgé de 45 ans, a pris la tête, en juin 2009, d’une grève dont l’épicentre était localisé dans la ville nord-orientale de Bagua, un mouvement contestataire qui s’est soldé par le décès de 34 individus (24 policiers et 10 indigènes). Cette protestation a eu pour origine le refus des communautés indigènes de céder leurs terres aux entreprises minières et pétrolières. Poursuivi par la justice pour ces faits, Pizango s’est exilé sous le motif de persécution politique au Nicaragua d’où il est revenu en mai. Il est encore placé sous contrôle judiciaire et doit affronter d’ici peu un procès pénal pour incitation à la rébellion, toutefois il bénéficie pour le moment d’une liberté conditionnelle.

Ces incidents ont provoqué la plus grande crise au sein du gouvernent de García et ont été à l’origine de la démission du cabinet ministériel que dirigeait à ce moment-là Yehude Simon.

Les communautés amazoniennes ont créé l’organisation APHU avec l’objectif de présenter « un plan de vie sur 50 ans ».

« Ce parti ne cherche pas seulement à agir au niveau des prochaines élections présidentielles mais il tend aussi à se définir comme un instrument politique mis en place pour la défense de l’Amazonie et de ses ressources qui appartiennent à tous les Péruviens, et qui doivent être par conséquent consultés sur leur avenir » a déclaré Pizango.

Il a fait également remarqué qu’il y a une conscience nationale qui considère que la déprédation de cette vaste région met en danger la vie de tous les citoyens du pays.

L’expert en thèmes amazoniens, Roger Rumrrill, a déclaré à l’AFP qu’en se présentant aux présidentielles « Pizango n’avait aucune chance d’être élu » puisque le nombre d’indigènes à voter au Pérou ne concerne que 70 000 individus. Cependant, il juge que la création du parti APHU constitue une bonne stratégie en tant qu‘ « exercice de construction d’un pouvoir indigène sur du long terme, pour l’échéance de 2016 ».

Pizango a précisé qu’après les faits de Bagua, le Gouvernement a, malgré tout, maintenu « la défense des intérêts transnationaux » et se refuse toujours à promulguer une loi au Congrès qui obligerait à ce que les communautés indigènes soient consultées pour tous les projets relevant directement de l’occupation de leurs terres.

« Si à l’époque de l’exploitation du caoutchouc, on tuait et on torturait les indigènes, les compagnies pétrolières aujourd’hui assassinent sournoisement en empoisonnant les rivières avec leurs résidus polluants, c’est ainsi que se concrétise le génocide indigène » a-t-il ajouté.

Pizango réfute les statistiques officielles qui évaluent le nombre d’indigènes à 400 000 individus répartis sur 65 communautés d’Amazonie. « Selon nos estimations, nous, indigènes d’Amazonie sommes environ 1.2 millions d’individus », a-t-il précisé. Le Pérou compte 29 millions d’habitants. Pizango, membre de la communauté indigène shawi, récolte en ce moment même les signatures nécessaires pour se présenter à la présidentielle, il a déjà reçu l’appui de 100 000 sympathisants, sachant qu’il faut réunir 160 000 signatures valides pour prétendre être candidat aux élections présidentielles.

Le Pérou célébrera les élections présidentielles en avril 2011. A l’heure actuelle les candidats qui partent avec le plus de chances à la conquête du pouvoir sont la congressiste Keiko Fujimori, le maire de Lima, Luis Castañeda, et l’ex-président Alejandro Toledo.

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