Des leaders de l’opposition ont accusé dimanche le président vénézuélien, Hugo Chávez, de faire de la rétention d’information concernant son état de santé alors qu’il se trouve en convalescence à Cuba depuis deux semaines, après avoir été opéré en urgence le 10 juin dans un hôpital de la Havane d’un abcès infecté dans la région de l’abdomen, selon des sources officielles (sa famille et des membres du gouvernement). Les opposants du chef de l’État, âgé de 56 ans, regrettent le silence de ce dernier pensant que son état de santé est plus sérieux qu’il n’y paraît « l’incertitude sur l’état de santé de Hugo Chávez et les graves spéculations autour de la nature exacte du mal qui le frappe, révèlent des graves manquements constitutionnels de la part du gouvernement qui a pour devoir d’informer la population » a affirmé le député de l’opposition Miguel Angel Rodríguez.
Il a ajouté que, selon la constitution, le président « se devait de dire précisément à la population de quelle maladie il souffre mais aussi évoquer les traitements qu’il subit et répondre à toutes les questions qu’on pourrait lui poser à ce sujet ». De leur côté, les membres du gouvernement dont le vice-président, Elías Jaua, se veulent rassurants et se contentent de dire que le président « récupère de façon satisfaisante ». Le ministre de l’intérieur et de la justice, Tareck El Aissami, a déclaré hier que les choses évoluaient favorablement tandis que la ministre pour les Peuples indigènes, Nicia Maldonado, a organisé un rituel indigène pour transmettre au mandataire les forces nécessaires pour qu’il récupère au plus vite.
Pour sa part, le président de l’Assemblée nationale, Fernando Soto Rojas, a infirmé les rumeurs selon lesquelles le président pourrait souffrir d’un cancer (un cancer de la prostate plus précisément) et a même annoncé qu’il serait de retour au Venezuela le 5 juillet. Le président Chávez ne s’est plus exprimé en public depuis le 12 juin, lors d’une dernière allocution téléphonique accordée à la chaîne TeleSur moment auquel il avait eu connaissance que ses dernières analyses ne faisaient nullement mention « de marqueurs tumoraux ». Le silence qui est inhabituel chez le chef de l’État, habituellement omniprésent dans les médias, et son éloignement prolongé du Venezuela alimentent en toute logique les rumeurs les plus folles et les appétits de ses détracteurs politiques.
Quant à Temir Porras, membre du gouvernement, il a affirmé samedi via Twitter « le président Chávez récupère bien de son opération chirurgicale. Que ses ennemis cessent de rêver et que ses amis se tranquillisent ».
La rumeur a enflé depuis ces dernières heures avec la publication nord-américaine, le New Herald Miami, qui déclare que, selon les États-Unis, (plus exactement des agents de la CIA) le président se trouverait dans une situation « critique et compliquée ».
« Nous savons que son état de santé s’améliore » a déclaré de son côté El Aissami alors qu’il effectuait d’une conférence de presse sur la saisie de drogue dans le sud du pays, hier 26 juin.
Fernando Soto Rojas, président de l’Assemblée nationale, déclare que le président Chávez sera de retour au Venezuela le 5 juillet
Le chef de l’État a fait mention de la visite samedi de sa plus jeune fille Rosinés et de ses petits-enfants via un message posté sur son compte Twitter après plusieurs jours d’inactivité sur le réseau social, « Rosinés et mes petits-enfants Gaby, Manuelito et El Gallito sont venus me rendre visite. Quel bonheur de recevoir tout cet amour ! Que Dieu les bénisse ! ». Dimanche, sa mère Elena Frías a souhaité un prompt rétablissement à son fils après avoir assisté à une session du parti socialiste uni du Venezuela (PSUV), parti fondé et présidé par Chávez. » Tous mes vœux de rétablissement à mon fils chéri. Que Notre Dieu tout-puissant puisse l’aider à guérir très rapidement et nous le ramène, et aussi une pensée pleine de tendresse à tous ceux qui soutiennent mon enfant » a-t-elle déclaré le sourire aux lèvres, vêtue aux couleurs du parti PSUV, c’est-à-dire en rouge.
Ce trouble intervient alors que les États-Unis menacent depuis quelques jours le pays de nouvelles représailles en raison du rapprochement entre Hugo Chávez et le gouvernement iranien mais aussi en raison de « l’inaction du chef de l’État contre le trafic de drogue », ont averti des fonctionnaires vendredi au Congrès nord-américain.
« Aucune option n’est écartée et le département va continuer à étudier la possibilité d’une action additionnelle qui pourrait être nécessaire dans le futur » a signalé Kevin Whitaker, du bureau d’État américain pour l’Amérique latine devant la Chambre des Représentants.
Les États-Unis pourraient placer le Venezuela comme pays « soutien du terrorisme » à l’instar de la Corée du Nord, Cuba, l’Iran, l’Irak, la Libye, le Soudan ou encore la Syrie.
Le département « incite avec force le Venezuela à prendre le chemin de la coopération et de la responsabilité au lieu de s’isoler, et nous en ferons de même » a affirmé Whitaker, qui fut ministre conseiller de l’ambassade américaine à Caracas de 2005 à 2007. Les États-Unis ont imposé des sanctions à la compagnie pétrolière d’État vénézuélienne PDVSA, le 24 mai, pour ses relations commerciales avec l’Iran ce qui, selon les États-Unis, marque un manquement aux sanctions internationales décidées contre le gouvernement iranien en raison de son programme d’armement nucléaire.
Les sanctions empêchent PDVSA de participer directement à des contrats avec Washington, d’accéder à un certain financement et d’obtenir des licences pour des technologies pétrolières nord-américaines. « Au lieu de répondre à ses engagements internationaux, le Venezuela a pris la décision d’être proche des gouvernements iraniens et syriens », a déclaré Adam Szubin, fonctionnaire au département du Trésor (OFAC). Le département d’État s’inquiète des liens entre le Venezuela et l’Iran, « de son soutien au FARC », « de sa faible coopération » en matière de lutte antiterroriste et de son « manque d’implication dans la lutte internationale antidrogue ».
Le chef de la Sous-Commission pour l’Amérique latine de la Chambre des Représentants, le républicain Connie Mack (Floride) a insisté durant l’audience sur le fait que le Venezuela doit être désigné « comme un État favorisant le terrorisme », (« Etats soutiens du terrorisme » ou state sponsors of terrorism) un statut que les États-Unis ont concédé à sept autres pays dont Cuba, l’Iran, le Soudan ou encore la Syrie.
Cependant, Daniel Benjamin, coordinateur de l’anti-terrorisme du département d’État se montre prudent signalant que les États-Unis ont de nombreuses entreprises dans ce pays sud-américain tout en soulignant qu’une telle décision pourrait servir politiquement au président du Venezuela comme attaque contre son gouvernement » et qui pourrait ainsi en appeler « au sentiment national ».
« Toutes ces mesures ne font que conforter l’idée que les agressions envers les peuples du sud doivent cesser » a déclaré le ministre des Affaires étrangères vénézuélien, Nicolás Maduro, qui a qualifié les mesures des États-Unis d’inadmissibles.
Les relations entre les États-Unis et le Venezuela sont devenues tendues à l’élection du président Hugo Chávez en février 1999. Constamment le Venezuela accuse Washington de chercher à établir son hégémonie en Amérique latine tandis que la Maison-Blanche remet en question Caracas pour son soutien envers des leaders controversés comme Mahmoud Ahmadineyad en Iran ou encore le Syrien Bashar al-Assad.
(Article rédigé par Aline Timbert)