Alors qu’un coffret double DVD (accompagné de plusieurs bonus) réunissant les deux longs-métrages de la réalisatrice, scénariste et productrice argentine, Julia Solomonoff, , s’apprête à sortir en France le 25 octobre 2011 chez Epicentre Films, (« Hermanas » et « Le dernier été de la Boyita ») Actu Latino vous invite à découvrir l’univers cinématographique de cette femme, née dans la province de Sante Fe (ville située à 475 km de Buenos Aires en Argentine), et tout droit sortie de l’ENERC (Ecole Nationale Argentine d’Expérimentation et de Réalisation Cinématographique) ainsi que de l’université de Columbia à New York.
Julia Solomonoff réalise et écrit un téléfilm « The Suitor », pour la chaine américaine PBS en 2001, en 2005 elle se lance dans la réalisation de son premier long-métrage intitulé « Hermanas » (« Les soeurs »), un film qui sera sélectionné au Festival du Film de Toronto, au Festival du film d’Amérique Latine de Toulouse, mais également au Festival International du Cinéma Indépendant de Buenos Aires. En 2007, Julia Solomonoff se lance dans la production avec la sortie du documentaire « Cocalero », réalisé par le brésilien Alejandro Landes. Un film qui retrace l’ascension du défenseur des cultivateurs de coca de la région du Chapare, le bolivien Evo Morales, devenu premier président de la République d’origine indigène (issu de la communauté aymara) lors des élections de 2005, et ce dès le premier tour. Ce documentaire avait reçu des critiques élogieuses, parmi lesquelles le New York Times qui avait mentionné « Avec ce documentaire, le spectateur fait face aux changements politiques qui surviennent en Amérique Latine », le quotidien péruvien El Comercio qui avait écrit « ce documentaire de Landes a été largement célébré par la critique internationale’ tandis que Reuters Argentina soulignait « Ce film sur Evo Morales a conquis le public argentin ». Sélectionné au Festival de Sundance, « Cocalero » a obtenu le Prix du Meilleur Documentaire de l’Académie Argentine du Cinéma.
En 2009, elle écrit, réalise et produit son second film « Le dernier été de la Boyita » (« El último verano de la Boyita »), projeté en Compétition Internationale au BAFICI (Festival du Film Indépendant de Buenos Aires), ainsi qu’au Festival de San Sébastian. Le film a parcouru les festivals internationaux où il a gagné de nombreux prix. « Le dernier été de la Boyita » a été coproduit par El Deseo (la société de production des frères Almodovar), Domenica Films, Travesía Producciones et Epicentre Films.
C’est ce premier long-métrage « Hermanas », ainsi que le film « Le dernier été de la Boyita » que le public français pourra découvrir ou redécouvrir à l’occasion de la sortie DVD, deux histoires où la famille est au coeur de la trame narrative.
Tout d’abord, « Hermanas » qui relate l’histoire de deux femmes, et plus précisément deux soeurs, Elena (Valeria Bertucelli) et Natalia (Ingrid Rubio), qui se retrouvent au Texas où Elena et son époux Sebastián (Adrián Navarro) résident avec leur fils Tomás pour connaître une vie meilleure. Natalie, en revanche revient d’un long exil en Espagne et hésite à retrouver son pays natal, l’Argentine où vit sa mère et où désormais règne la démocratie après des années de dictature militaire qui a frappé le pays entre 1976-1983. Mais le poids du passé est tenace, et les reproches entre les deux soeurs remontent à la surface entre, amour, sentiment de culpabilité et poids des souvenirs. D’autant qu’à son retour d’Europe, Natalia apporte avec elle, le manuscrit du dernier roman non publié de leur père, David Levin (Horacio Peña), intellectuel et journaliste, qui évoque l’histoire de leur famille durant le temps de la dictature en Argentine… Un film subtil sous fond d’Histoire où se mêle la petite histoire, celle des sensibilités personnelles des sentiments entre une soeur meurtrie et engagée, Natalia qui a subitement quitté le pays une nuit de 1975 après la disparition de son fiancé Martín, et Elena qui a construit une vie de famille pour tenter de chasser les vieux fantômes…
Autre ambiance et autre évocation de la famille, le dernier long-métrage de Julia Solomonoff, « Le dernier été de la Boyita » évoque le questionnement d’une pré-adolescente, Jorgelina (Guadalupe Alonso), fascinée par les transformations physiques de sa soeur pubère, Luciana (Maria Clara Merendino), et à la fois mise à l’écart pas cette dernière désireuse de s’affirmer en tant que femme en devenir, loin de leurs jeux de petites filles qui avaient lieu dans une petite caravane disposée dans le jardin, « la boyita », le théâtre des confidences.
Les premières minutes de ce film peuvent s’avérer déroutantes pour le spectateur, car elles laissent craindre un film évoquant les tribulations sexuelles de jeunes adolescentes sur un mode un peu cru, mais il n’en est rien, passé le 1er quart d’heure et ses considérations physiologiques sur la puberté féminine (clairement annoncées dès le générique avec la diffusion de croquis anatomiques), le film prend une orientation délicate, subtile. L’histoire se focalise sur l’amitié qui va lier Jorgelina à Mario (Nicolas Treise), fils de paysans âgé de 13 ou 14 ans environ avec qui elle va passé son été en compagnie de son père médecin, divorcé, Eduardo (Gabo Correa) au sein d’une ferme. Sous fond d’une dualité permanente qui n’est pas pour autant synonyme de manichéisme, entre monde rural/ monde urbain, enfants/adultes, instruction/méconnaissance, tolérance/repli sur soi, ou encore celui des non-dits qui fait face à la recherche de la vérité; la réalisatrice aborde le thème de l’identité sexuelle à travers les yeux de Mario, enfant élevé dans une campagne reculée, comme un garçon alors qu’il est génétiquement une fille (une maladie hormonale appelée hyperplasie surrénale congénitale qui induit chez le nouveau-né féminin des signes de virilisation importants), sans que son entourage et lui-même aient pris conscience (ou même n’aient voulu prendre conscience) de cette réalité douloureuse.
Se pose dès lors la question délicate de l’identité sexuelle, comment s’assumer du jour au lendemain comme une femme en devenir, avec les manifestations physiques que cela implique alors que l’on se sent dans la peau d’un garçon depuis la naissance, qu’on a adopté les jeux et les codes de la gent masculine dans un environnement rude marqué par le machisme gaucho ? Ce thème délicat est merveilleusement servi par de jeunes acteurs de talent, au naturel déconcertant, malgré la gravité du sujet évoqué. Il est cependant à noter que le film évite toute sensiblerie excessive et qu’il est porté par la légèreté de l’enfance (Jorgelina ne répond-t-elle pas avec aisance à Mario lorsque celui-ci présente des signes de menstruations « Ma grand-mère à bien des moustaches »), et par un environnement naturel apaisant qui insuffle une quiétude certaine et qui est propice à la réflexion. Ce long-métrage, qui ne s’adresse pas aux amateurs d’action, comblera un public méditatif désireux de se poser des questions sur la place de l’adolescent tel qu’il se définit au sein de la société, et sur les doutes universels liés à cette période de construction. Des spectateurs qui seront sans nul doute comblés par la sincérité de « Ce dernier été » placé sous le signe des sens exacerbés, du naturalisme, de la force de vivre et de l’innocence qui s’éloigne peu à peu…
(Article rédigé par Aline Timbert)
REGARD 050 – entretien avec JULIA SOLOMONOFF -… par regardezleshommesdanser