Au Chili, les inondations causées par les pluies torrentielles ont fait ces derniers jours, selon des sources officielles, plusieurs centaines de sinistrés et ont causé de nombreux dégâts matériels (qui devront être évalués dans les prochains jours) à Arica et Punta Arenas, des villes situées à l’extrême nord et sud du pays.
Les autorités ont déclaré en début de semaine l’alerte jaune à Arica (à environ 2051 km au nord de Santiago) et l’alerte rouge à Punta Arenas, localisée à environ 2400 km au sud de la capitale, après les crues des fleuves San José et Las Minas. Le gouvernement a manifesté sa solidarité et son inquiétude en envoyant le ministre de la Planification, Joaquín Lavín, à Arica, et celui du travail, Evelyn Matthei, à Punta Arenas, pour examiner, sur place, l’étendue des dégâts, comme l’avait confirmé le porte-parole de la Moneda (siège du gouvernement chilien), Andrés Chadwick. Dans l’extrême nord du pays, à la frontière avec le Pérou, l’armée avait défini cette semaine une zone de sécurité devant les risques que représentent les mines antipersonnel dans cette région. En effet, les inondations font remonter à la surface les mines déployées dans les années 80 (ce fut déjà le cas au mois de février dernier) en raison des tensions politiques qui régnaient entre les deux pays sud-américains, tous deux gouvernés en ces temps par des dictatures militaires.
Les pluies sont accompagnées d’une forte activité électrique et ont causé le débordement de la rivière San José et d’autres cours d’eau, mais aussi des inondations qui, pour certaines, ont engendré la rupture de plusieurs ponts. Osvaldo Abdala, maire de Arica, a chiffré à plus de 300 le nombre de sinistrés et a confirmé, lors de déclarations faites aux journalistes, la suspension des classes dans la vallée de Azapa non loin de la ville. À Azapa, de nombreux agriculteurs ont perdu leurs terres de culture ainsi que leur bétail, une information révélée par Andrea Rivera, directrice régionale de Emergencia.
À Punta Arenas, les pluies, qui ont débuté dans la nuit du dimanche 11 mars, ont provoqué la crue du fleuve Las Minas, une montée des eaux qui a inondé la ville tout en emportant les véhicules en stationnement. Des coupures d’électricité ont affecté près de 5000 foyers. « Nous sommes totalement surpris. Cette ville n’est pas sujette aux fortes précipitations, au froid et à la neige oui, mais pas aux pluies », a déclaré le maire de Punta Arenas, Vladimiro Mimica, à la radio ADN.
Il a précisé que la moyenne des précipitations de ces dernières années était de 400 mm par an, or cette fois, il est tombé quasiment 120 mm en seulement 22 heures faisant ainsi des centaines de sinistrés.
Le gouvernement chilien a décrété mercredi 14 mars « comme zone de catastrophe naturelle » plusieurs villages de l’altiplano chilien affectés par les plus intenses qui ont provoqué des glissements de terrain ainsi que des inondations touchant près de 1200 personnes. Le décret, qui permet de débloquer une aide d’urgence pour la reconstruction, inclut les petites localités de Camiña et Huara dans la région de Tarapacá à environ 1200 km au nord de Santiago, a annoncé le ministre du Développement social, Joaquín Lavín, qui a fait le déplacement vers la zone touchée par les intempéries.
« Nous affrontons des problèmes de santé, car les personnes ont été ainsi surprises et sont restées avec leurs vêtements mouillés », a déclaré Lavín à des médias locaux. Le ministre a souligné que les fortes précipitations, tombées ces derniers jours, avaient provoqué des crues qui ont détruit plus de 200 foyers. Le bureau national d’urgence (Onemi) a précisé que la région comptait 1119 personnes sinistrées, afin de répondre à leurs besoins, une aide d’urgence a été envoyée comprenant de l’eau potable, des aliments de première nécessité, des couvertures, des matelas et des couches-culottes.
Le ministre a confié qu’il y avait un village nommé Chapiquilta qui a été totalement enseveli tout en précisant que la première urgence avait consisté à ravitailler la population en eau potable.
Pour sa part, le ministre de l’Agriculture, Luis Mayol, a déclaré l’urgence agricole dans les communes de Camiña, Huara, Pica et Pozo Almonte en raison des dégâts engendrés par les pluies sur les zones de culture de la province de Tamarugal, dans la région de Tarapacá.
Mayol a expliqué « que les urgences agricoles sont des états d’exception qui permettent d’intervenir au plus vite auprès des personnes affectées. Puis vient l’étape de la reconstruction avec une étude détaillée des pertes subies ». Les fortes précipitations ont provoqué de sévères dommages dans les zones de culture situées au bord des cours d’eau, ce sont près de 220 communes qui ont été déclarées en urgence agricole à travers le pays, elles recevront un total de 22 000 millions de pesos pour pallier aux pertes.
Les fortes pluies sont plutôt habituelles dans le nord du pays, elles font partie de ce que l’on appelle « l’hiver de l’Altiplano », un phénomène qui survient couramment entre les mois de mars et décembre correspondant à l’été austral.
Alors que l’extrême sud et nord du pays endure une période de précipitations intenses, les habitants de la zone centrale chilienne subissent une sécheresse dévastatrice depuis plusieurs mois.
La situation liée au manque d’eau est telle que beaucoup évoquent une « psychose collective » dans cette région où les réserves en eau ont chuté de 56,2 % par rapport à une année normale. Selon un rapport de la direction Générale des Eaux, les réserves ne dépassent pas 30 % de leur capacité. Les faibles précipitations de la zone centrale ont, par ailleurs, engendré une hausse des prix en ce qui concerne les produits de consommation courante, le panier de la ménagère augmentant de 11,5 % cette année. En février 2012 le panier classique comprenant des produits de consommation courante atteignait un prix de 36 443 pesos soit environ 75 $ par personne (57 euros), l’année passée, le coût de ce même panier était estimé à 32 686 pesos.
« Nous n’avons plus d’eau, il faut la rationner », a déclaré Raúl Ibáñez, vendeur de fruits sur le marché de Valparaíso avant d’ajouter « la situation dans la Quinta Región est critique. Je me souviens qu’il y a quelques années les réserves avaient de l’eau jusqu’à la fin de l’été. Aujourd’hui beaucoup sont à sec à longueur d’année. Dans quelques années le désert d’Atacama grignotera sur ces terres fertiles ».
L’extrême longitude du Chili fait que dans ce pays, le plus long au monde, il y a souvent les phénomènes atmosphériques capricieux. Le Chili, depuis ces dernières semaines, connait à la fois une extrême sécheresse et des inondations, des manifestations météorologiques aussi dévastatrices l’une que l’autre. La crise hydrique qui frappe la zone centrale (Atacama, Coquimbo, Valparaíso, Metropolitana et O’Higgins) menace l’approvisionnement en énergie, dans un pays où l’électricité est déjà coûteuse.
De son côté l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a recommandé au Chili diverses actions pour faire face à la sécheresse et aux événements climatiques que subit le pays comme les inondations, qui frappent les régions extrêmes du Nord et du Sud, ou les épisodes de sécheresse inhabituels qui touchent le centre du pays.
La FAO conseille au Chili de diversifier sa production agricole en donnant la priorité à des cultures moins exigeantes en eau, elle invite également les agriculteurs à planifier à moyen et à long terme leurs productions en prenant en compte les aléas climatiques. Pour ce faire, la FAO invite à recycler l’eau, à augmenter la profondeur des puits, et à la récupérer les eaux de pluie.
« L’adaptation au phénomène de sécheresse et autres évènements climatiques extrêmes est fondamentale pour le développement d’une agriculture soutenable, lorsque l’on pense en particulier aux impacts que ces phénomènes ont sur les petits producteurs , il est donc nécessaire d’affronter le changement climatique », a déclaré Alan Bojanic, représentant régional de la FAO.
Selon des estimations effectuées jusqu’en 2040, il s’avère que le Chili devrait être de plus en plus confronté à un phénomène d’aridité dans la zone nord ainsi qu’à une diminution des ressources hydrologiques dans le centre du pays. Le sud du Chili devrait être, quant à lui, frappé par l’avancée du désert d’Atacama. Des prévisions plutôt alarmistes émises par les scientifiques qui invitent à agir en conséquence.
(Aline Timbert)